Lorsque Dario Argento produit La Secte (La setta) en 1991, ce n’est pas seulement le cinéma de genre italien qui sent le sapin, mais toute l’industrie cinématographique d’un pays, autrefois la plus créative du monde, désormais soumise aux patrons de la télévision. La Secte fait d’ailleurs partie des films où apparaît au générique le nom de Silvio Berlusconi, alors fondateur milliardaire du groupe Mediaset associé à Mario Cecchi Gori et son fils Vittorio, à la fois politiciens, producteurs de cinéma et dirigeants de clubs de football : tout un programme…
Soavi glisse une allusion directe à la télévision de Berlusconi dans La Secte : le lapin blanc de l’héroïne regarde seul une émission de prestidigitation sur Canale 5 et… zappe en appuyant sa patte sur la télécommande. Cette scène apporte une touche d’excentricité au film, qui contient un bestiaire à la fois étrange et inquiétant, dans la tradition du cinéma fantastique consacré au satanisme.
Scénario de Michele Soavi écrit avec la complicité de Dario Argento, La Secte est une tentative de fantastique moderne plus aboutie que Sanctuaire réalisé deux ans plus tôt. Tandis que Sanctuaire était la récupération d’un projet initié par Argento, La Secte est né du désir de Soavi de s’aventurer sur les territoires du rêve et de la sorcellerie, avec une approche originale. Certes La Secte puise son inspiration dans de nombreux films, principalement Rosemary’s Baby ou The Wicker Man, mais il se différencie du cinéma d’horreur italien pratiqué dans les années 70 ou 80. Le catholicisme et l’art baroque qui imprégnaient la plupart de ces productions fantastiques latines cèdent la place à des références à la mythologie celtique et à l’ésotérisme, avec une ambiance plus anglo-saxonne – les extérieurs du film ont pourtant été tournés en Allemagne, comme Sanctuaire et Démons. La Secte est parsemé de signes et de symboles qui le transforme en jeu de piste effrayant et hermétique, jusqu’à la révélation finale. Soavi a le mérite de ne pas céder à la facilité des effets sanglants et donne libre cours à son imagination, avec des visions cauchemardesques, des morts violentes et des retournements de situations bizarres. Le scénario, malgré ses circonvolutions parfois déroutantes, semble moins confus et incohérent que celui de Sanctuaire. C’est dans La Secte qu’apparaissent avec le plus de précision les ambitions et la personnalité attachante de Michele Soavi, artisan doué et véritable amoureux du fantastique. Cet élan sera malheureusement stoppé par l’échec commercial de son film suivant Dellamore Dellamorte, dans lequel Soavi s’affranchissait du compagnonnage de son mentor Argento, et volait de ses propres ailes et développant un univers poétique entre bande dessinée, humour noir et épouvante.
Comme Sanctuaire, La Secte est disponible en édition collector, combo Blu-ray et DVD, chez Le Chat qui fume.

La Secte de Michele Soavi
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