Olivier Père

Hors d’atteinte de Steven Soderbergh

Dans le cadre de son « Summer of Lovers » ARTE diffuse Hors d’atteinte (Out of Sight, 1998) de Steven Soderbergh dimanche 29 août à 20h50.

Hors d’atteinte permit à Soderbergh de trouver sa voie au cœur du cinéma hollywoodien, après le succès écrasant de son premier film (Sexe, mensonge et vidéo, 1989) et un long passage à vide, traversé de réussites et d’échecs, d’hésitation entre une veine expérimentale et un goût du récit classique. A force de changements de registre, de tâtonnements, d’expériences, Soderbergh devait finir par réaliser un film totalement satisfaisant, qui est paradoxalement une pure commande d’un studio à la recherche d’un réalisateur pour signer un polar avec George Clooney et Jennifer Lopez. Dans Hors d’atteinte, l’alchimie entre la mise en scène, le scénario, les acteurs y est proche de la perfection. Adaptation d’un roman de l’écrivain « pulp » Elmore Leonard, au même titre que Get shorty et Jackie Brown, Hors d’atteinte pourrait clore du propre aveu de Soderbergh une sorte de trilogie informelle. Si Get shorty était une farce, Jackie Brown une oeuvre (déjà) mélancolique, Hors d’atteinte emprunte le registre du film noir romantique. C’est l’histoire d’un braqueur de banques, qui opère sans arme et possède à son palmarès plus de deux cents casses. Incorrigible et talentueux dans son art, il est également très doué pour se faire pincer par la police et a connu de nombreux séjours en prison. Lors d’une audacieuse évasion, il kidnappe une femme flic et lui conte fleurette dans un coffre de voiture. A partir de cette brève rencontre, ils ne cesseront de jouer au chat et à la souris, amoureux l’un de l’autre, des deux côtés de la loi.

Sur le plan formel, Soderbergh s’inscrit dans la tradition du néo film noir, avec des retours en arrière, un récit éclaté et des emprunts à la modernité. Soderbergh avait réalisé en 1995 A fleur de peau, un remake de Criss cross de Robert Siodmak partiellement ignoré par la critique et terrible échec public. Mais cette confrontation du cinéaste intellectuel avec la matière triviale du cinéma de genre laissait entrevoir des enjeux plus captivants que la lourdeur symbolique et visuelle de Kafka par exemple.

Si l’on s’amuse au jeu ­ inévitable ­ des comparaisons avec Jackie Brown, on constate dans les deux films des orientations formelles distinctes ; une esthétique volontairement plate chez Tarantino, beaucoup d’éclat et une narration fragmentaire chez Soderbergh. Tarantino avait décidé de s’inspirer du filmage télévisuel dans son troisième long métrage, tandis que l’ambition de Soderbergh est de s’inscrire dans une tradition du film noir, avec son recours précoce au flash-back (Boulevard du crépuscule de Billy Wilder), ses récits embrouillés (Le Grand Sommeil de Howard Hawks), jusqu’à ses emprunts des tics de la modernité (Le Point de non-retour de John Boorman). Hors d’atteinte adopte cette façon compliquée de raconter une histoire simple, sans jamais perdre de vue l’efficacité et la séduction du cinéma américain. Ainsi, contrairement aux apparences, l’écueil du formalisme est-il évité dans Hors d’atteinte. Dirigés et filmés avec intelligence et élégance, Jennifer Lopez et George Clooney parviennent à nous charmer, nous faire sourire et nous émouvoir.

L’éditeur Elephant permet de redécouvrir A fleur de peau (The Underneath) de Steven Soderberg dans une version restaurée haute définition (combo blu-ray + DVD).

Le nouveau film de Steven Soderberg Paranoïa (Unsane) est actuellement sur les écrans.

Jennifer Lopez et George Clooney dans Hors d'atteinte

Jennifer Lopez et George Clooney dans Hors d’atteinte de Steven Soderbergh

 

 

 

 

 

 

 

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