Olivier Père

Le Dernier Face-à-face de Sergio Sollima

Le Dernier Face-àface (Faccia a faccia, 1967) est le western le plus abouti et ambitieux de Sergio Sollima, réalisateur italien à qui l’on doit une poignée de réussites formidables dans le domaine du cinéma populaire des années 60 et 70, loin des recettes vulgaires et de l’opportunisme de la plupart de ses collègues. Sollima était un excellent cinéaste d’action et un homme doté d’une grande conscience morale. Il savait qu’il travaillait dans le circuit commercial mais se refusait à mettre en scène des films en contradiction avec ses convictions humanistes. C’est en partie la raison pour laquelle sa filmographie est beaucoup moins pléthorique que celle d’autres réalisateurs italiens.

Ses meilleurs films (Colorado, Le Dernier Face-à-face, La Poursuite implacable) s’inscrivent dans les genres à la mode de l’époque (western, polar urbain) tout en proposant des paraboles politiques d’une puissance remarquable.

 

Le Dernier Face-àface raconte le récit initiatique d’un professeur moribond (Gian Maria Volontè) qui au contact de l’Ouest sauvage et d’un bandit bestial (Tomas Milian, une nouvelle fois grandiose après son interprétation géniale dans Colorado) retrouve force et santé mais développe également un goût malsain pour la violence qui le conduira au fascisme. Tandis que dans un mouvement dialectique le hors-la-loi n’obéit plus seulement à son instinct de survie et s’humanise au contact de l’intellectuel. Le Dernier Face-àface est une épopée lyrique doublée d’une fable politique sur la violence individuelle et la violence d’État. Il faut envisager le chef-d’œuvre de Sollima comme le contrepoint ironique – et beaucoup plus subtil – des fictions de gauche qui dominaient le cinéma d’auteur italien de l’époque (les films de Petri, Rosi…) et qui voulaient dresser le constat de la crise sociopolitique du pays. On a depuis fustigé le manichéisme de ces œuvres de dénonciation construites sur un processus d’identification du spectateur à un personnage témoin (juge, journaliste, dans le film de Sollima le professeur humaniste). Sollima inverse et complexifie ce schéma narratif, grâce à un scénario maquillé en « métaphore politique très astucieuse » comme le note Serge Daney dans La Rampe. Daney soulignait l’intelligence de « l’admirable spaghetti-western de Sergio Sollima, Le Dernier Face-àface, où un tel mécanisme – je vois, donc je prends conscience – est perverti et ridiculisé à force d’âtre répété tout au long du film. » Ceux qui fustigent le simplisme de western italien doivent donc découvrir ce Dernier Face-àface, qui rejoint les chefs-d’œuvre trop méconnus d’une histoire transversale du cinéma italien.

 

Le Dernier Face-à-face est édité par Wild Side (le 4 juillet) dans un coffret collector DVD et Blu-ray qui propose la version intégrale italienne, bien plus belle et longue que celle exploitée en France au moment de sa sortie, tronquée en affublée d’un titre ridicule (Il était une fois en Arizona). Le montage italien renforce la richesse et la densité romanesque d’un film à la mise en scène constamment inspirée, portée par l’extraordinaire colonne sonore de Ennio Morricone. On pourra enfin admirer ce film en France dans des conditions optimales, et réaffirmer l’importance de la contribution de Sollima au western italien aux côtés des deux autres Sergio, Leone et Corbucci.

Tomas Milian dans le rôle de Cuchillo dans Colorado

Tomas Milian dans Le Dernier Face-à-face de Sergio Sollima

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