Olivier Père

Une belle fille comme moi de François Truffaut

ARTE diffuse Une belle fille comme moi (1972) lundi 18 juin à 20h55 dans le cadre d’une soirée consacrée à Bernadette Lafont. Le film de François Truffaut sera en effet suivi d’un documentaire inédit d’Esther Hoffenberg sur l’actrice française, à 22h25 : Bernadette Lafont, et Dieu créa la femme libre (également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur le site d’ARTE).

Coincé entre Les Deux Anglaises et le continent et La Nuit américaine, Une belle fille comme moi a depuis sa sortie la réputation d’être un film mineur dans l’œuvre de Truffaut, une petite comédie adaptée d’une série noire où le réalisateur se frotte au burlesque et à l’humour trivial sans forcément briller dans ces registres éloignés de son répertoire habituel. Ce n’est pas totalement faux mais Une belle fille comme moi n’est pas non plus dénué de qualités. Il se révèle profondément sympathique, et participe à une approche personnelle de la comédie policière. Truffaut s’intéresse au cas haut en couleur de Camille Bliss, une jeune femme emprisonnée pour meurtre et qui clame son innocence. Interrogée par un sociologue naïf et inexpérimenté (premier rôle de André Dussollier) qui prépare un essai sur les femmes criminelles, elle relate devant son microphone une existence faite d’embrouilles, de rencontres sexuelles débridées et d’arrangements avec la morale et la loi. Une belle fille comme moi peut être vu comme une version détendue et légère de La Sirène du Mississipi, mélodrame fiévreux qui mettait en scène une jeune délinquante aussi belle que dangereuse. Truffaut, qui adolescent passa cinq mois dans une maison de redressement, a toujours été fasciné par celles qu’il appelait les « voyous femelles », dont il se sentait proche au point d’en faire les héroïnes idéales de certains de ses films. Si la blonde et éthérée Catherine Deneuve est idéalisée en femme fatale mystérieuse dans La Sirène du Mississipi, Bernadette Lafont, brune et plantureuse, campe une garce rigolote au langage de charretier. Conscient du potentiel comique de l’actrice, Truffaut offre littéralement Une belle fille comme moi à Bernadette Lafont, irrésistible de culot et de drôlerie dans l’un de ses seuls films en haut de l’affiche. Dans Une belle fille comme moi Truffaut n’accorde pas une importance capitale à la forme et se concentre sur des personnages excentriques et les rebondissements multiples d’un récit mené tambour battant. Il parvient néanmoins à glisser un hommage hitchcockien et à signer une belle séquence qui renvoie à sa passion dévorante du cinéma. Un jeune garçon, cinéaste amateur, a filmé sans le vouloir avec sa caméra super-8 la chute mortelle d’un des personnages, tombé du clocher d’une église. La pellicule, retrouvée après une longue enquête, permettra de rétablir la vérité sur cette mort violente. On assiste à une réappropriation désinvolte du « Zapruder film » par Truffaut et son scénariste Jean-Loup Dabadie, dans le contexte d’une comédie farfelue. Parmi les seconds rôles masculins, Guy Marchand est très drôle en macho crooner de seconde zone amant de Camille Bliss : l’occasion de saluer la parution du nouveau numéro de la revue Schnock qui lui consacre sa couverture et un long entretien sur sa carrière.

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