ARTE diffuse Le Joli Mai (1962) dimanche 6 mai à 23h25 dans le cadre de sa nuit spéciale Chris Marker, à l’occasion de l’exposition et de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque française. Le film sera également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur le site d’ARTE. Le joli mai que filment Chris Marker et son chef opérateur Pierre Lhomme, ce n’est pas celui qui est actuellement commémoré, cinquante ans après les barricades. Il s’agit du mois de mai 62, beaucoup plus calme en apparence, mais pourtant chargé lui aussi d’une signification politique importante. Comme l’indique le commentaire dit par Yves Montand au tout début du film, nous sommes « en ce premier mois de paix depuis sept ans ». La Guerre d’Algérie vient en effet de s’achever avec les accords d’Evian, signés le 18 mars. Une guerre sans nom désignée habituellement sous l’appellation d’événements par les organes officiels. Le Joli mai s’affiche ainsi comme un essai cinématographique à la fois politique et poétique, qui capte l’air du temps avec des entretiens de parisiens surpris dans la rue et enregistre plus profondément les mutations urbanistiques et sociales de la capitale et du pays tout entier, dans une décennie où le boom économique dissimule mal de larges poches de pauvreté dans les quartiers insalubres de la ville. Ce sont le bonheur matériel, le confort moderne et l’accès à de nouveaux privilèges qui semblent obséder les Français devant la caméra et les micros de Marker et Lhomme, davantage que la question encore brûlante de l’Algérie et des conflits, froids ou chauds, qui secouent la seconde moitié du XXème siècle. Le Joli mai demeure un chef-d’œuvre du cinéma documentaire. Le travail d’enquête sociologique et le militantisme des cinéastes n’empêchent jamais le souci formel et la beauté des images. Leur film est un chant d’amour à Paris, magnifié par des panoramiques et des plans d’ensemble aux cadrages soigneusement composés. Le commentaire de Marker est un modèle d’intelligence et d’élégance littéraire. Le talentueux directeur de la photographie Pierre Lhomme, crédité en tant que coréalisateur, apporte au film ses nombreuses innovations techniques pour l’enregistrement de l’image et du son, qui participent à une esthétique du cinéma vérité et à l’invention d’une forme qui dépasse le documentaire classique en mêlant liberté, pensée et poésie.
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