Olivier Père

La porte s’ouvre de Joseph L. Mankiewicz

ARTE diffuse La porte s’ouvre (No Way Out, 1950) de Joseph L. Mankiewicz dimanche 17 décembre à 22h55. Réalisé entre La Maison des étrangers et Eve, dans une période d’intense activité et d’excellence artistique pour le cinéaste, La porte s’ouvre n’est pas le film le plus connu de Mankiewicz. Il s’agit néanmoins d’un film important qui porte la marque de son puissant producteur.

Produit par Darryl F. Zanuck, La porte s’ouvre s’inscrit dans une série de films à grands sujets mis en chantier par le producteur, alors à la tête de la Twentieth Century Fox, comme Le Mur invisible de Elia Kazan qui en 1947 abordait frontalement le thème de l’antisémitisme. La porte s’ouvre est un drame social, avec des éléments de thriller, qui s’attaque au tabou du racisme et de la haine raciale. L’action ne se déroule non pas dans le sud rural et pauvre des Etats-Unis, comme d’autres films consacrés à la question afro-américaine, mais dans une grande ville du pays. Il entend montrer sous un jour positif la communauté noire et la possibilité pour ses membres, grâce au système éducatif et un labeur acharné, d’accéder aux classes moyennes et supérieures et à des secteurs professionnels longtemps réservés aux blancs, mais où les noirs sont encore largement sous-représentés. C’est le cas de la médecine, qui offre au scénariste Lesser Samuels le point de départ de La porte s’ouvre, et lui permet aussi de décrire une famille afro-américaine loin des clichés de pauvreté, de marginalité ou de délinquance. Luther Brooks est un jeune interne noir chargé de soigner deux frères blessés par la police lors d’une tentative de hold-up. L’un des truands décède peu après son arrivée à l’hôpital et son frère, un raciste, accuse le jeune docteur de l’avoir tué. Le film organise tambour battant un double suspens : Brooks va mener une course contre la montre afin de prouver son innocence – seule une autopsie pourrait déterminer les causes réelles de la mort du blessé – tandis que le truand rumine sa vengeance et cherche à s’évader. C’est le premier grand rôle de Sidney Poitier qui allait devenir la première vedette de couleur à Hollywood, et un militant des droits civiques. C’est aussi le dernier grand rôle de salopard psychopathe pour Richard Widmark, qui allait ensuite élargir sa palette d’acteur et jouer autre chose que des mauvais garçons ou des dingues. Son personnage dans La porte s’ouvre est un petit blanc aveuglé par un racisme viscéral, qui ne supporte pas qu’un noir ait réussi dans la société tandis que lui croupit dans les bas-fonds de la ville. L’affrontement entre les deux hommes débouche sur des émeutes entre blancs et noirs dans un quartier populaire, preuve de la fragilité de la paix civile trois ans après que Truman a demandé la fin de la discrimination raciale. Mankiewicz règle ce film tendu et courageux avec sa maîtrise habituelle. Il excelle dans la direction d’acteurs et réussit quelques séquences inoubliables, comme les préparatifs de l’émeute ou l’évasion de Linda Darnell séquestrée par un truand sourd muet.

Sidney Poitier et Richard Widmark dans La port d'ouvre de Joseph L. Mankiewicz

Sidney Poitier et Richard Widmark dans La porte s’ouvre de Joseph L. Mankiewicz

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