ARTE diffuse Casa Grande (2014) de Fellipe Barbosa mercredi 13 septembre à 23h20. Le film sera également disponible en télévision de rattrapage pendant sept jours sur le site d’ARTE. Le premier long métrage de fiction du jeune cinéaste brésilien est partiellement autobiographique. Il s’intéresse à une famille bourgeoise de Rio de Janeiro au bord de la banqueroute, qui tente tant bien que mal de maintenir leur train de vie. Le père essaie de sauver les apparences, pris au piège de la faillite, tandis que son fils Jean étouffe dans le cocon protecteur de sa classe sociale. Au travers de cette déroute familiale et de cette révolte adolescente, Barbosa dresse le portrait d’un Brésil en crise, pays métissé où les préjugés, les inégalités et le racisme demeurent ancrés dans la société. Casa grande est un film témoin de son époque, qui intègre l’actualité politique du Brésil dans son récit. Une conversation animée évoque la question brûlante des quotas et de la mixité ethnique et sociale au Brésil. Le Brésil instaure des quotas pour les Noirs dans la fonction publique. Une loi réserve désormais 20% des places aux Noirs et aux métis. Adopté en 2014, ce texte n’avait jamais été appliqué en raison de nombreuses controverses. La Cour suprême brésilienne le valide officiellement sous la présidence de Dilma Roussef. Mais Casa grande n’est pas un film à thèse. C’est avant tout l’éducation sentimentale d’un jeune bourgeois dont l’émancipation passe naturellement par une prise de conscience politique qui va l’ouvrir au monde. C’est parce que le chauffeur de la famille qui l’emmène tous les jours au lycée a été licencié par son père que Jean va prendre le bus pour la première fois de sa vie et rencontrer une jeune fille issue d’un milieu modeste et scolarisée dans un établissement public. Cette curiosité de l’autre commence par les rapports affectifs et sensuels qui se nouent entre Jean et les domestiques de ses parents. Barbosa emprunte certains éléments dramatiques et décoratifs – et ses acteurs principaux – aux « telenovelas » brésiliennes, versions dégradées du mélodrame social dans lesquelles transpire, sous les artifices, une vérité sur le pays. Casa Grande n’est pas un film strictement naturaliste. Barbosa est attentif à une forme de stylisation discrète, ses plans sont minutieusement composés. La place de la caméra instaure une distance qui va peu à peu se réduire. Cette immense villa bourgeoise ressemble à une maison de poupée, un décor de cinéma, une coquille qui va progressivement se vider et libérer Jean de son emprise. Le propos du film de Barbosa s’incarne dans une mise en scène inspirée qui organise l’espace et les déplacements des personnages avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité. Le talent de Barbosa s’est confirmé dans son second film Gabriel et la Montagne, dans lequel il invente une mise en scène originale tout en prolongeant les questions et les thématiques soulevés par Casa Grande.

Casa Grande de Fellipe Barbosa
Laisser un commentaire