Olivier Père

Le Guépard de Luchino Visconti

ARTE diffuse Le Guépard (Il gattopardo) dimanche 11 décembre à 20h45, dans le cadre d’un hommage à Luchino Visconti qui se poursuivra lundi 12 décembre avec la diffusion de Rocco et ses frères. Les deux films sont accompagnés d’un documentaire inédit Luchino Visconti – entre vérité et passion.

Le Guépard, Palme d’Or au Festival de Cannes en 1963, prolonge la relecture de l’Histoire de l’Italie entreprise par Visconti avec Senso en 1954. Cette vaste fresque sur le Risorgimento est adaptée de l’unique roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, publié à titre posthume en 1958. Le film débute en mai 1860, après le débarquement de Garibaldi en Sicile. Don Fabrizio, prince sicilien, assiste au déclin de l’aristocratie et à l’essor de la bourgeoisie, classe sociale avec laquelle il faut désormais compter. Cette union se fera symboliquement par le mariage entre Tancrède, fougueux et opportuniste neveu de Don Fabrizio qui a combattu dans les rangs de Garibaldi mais n’entend pas renoncer à ses privilèges, et Angelica, la fille du maire du village de Donafugata, un nouveau riche avide de pouvoir et de reconnaissance.

Visconti choisit de porter à l’écran le roman de Lampedusa car il partage l’analyse de l’écrivain sur le Risorgimento qu’il considère, en tant qu’artiste et intellectuel communiste comme « une révolution manquée ou mieux trahie ». Ce conflit entre l’ancien et le nouveau, résumé par la célèbre phrase prononcée par le prince, « si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change, débouche sur un pessimisme politique et moral qui correspond à celui de Visconti au moment de la préparation du film. Ce pessimiste allait s’accentuer jusqu’à la fin de sa vie, engendrant un repli morbide vers des mondes éteints ou des constats tragiques sur l’Histoire du XXème siècle et la société italienne contemporaine (Sandra, Les Damnés, Violence et Passion).

Le Guépard bénéficia de moyens colossaux au service de la reconstitution parfaite d’une caste au bord de la décomposition mais toujours attachée à un mode de vie et des rituels grandioses (la fameuse scène de bal) mais aussi d’une distribution sublime : Alain Delon, Claudia Cardinale et Burt Lancaster dans le rôle de Don Fabrizio, le guépard du titre. Le choix audacieux d’une star américaine à la carrure athlétique pour interpréter un prince sicilien vieillissant se révélera parfaitement convaincant. Le génie de Visconti s’applique au moindre détail et confère à son film une dimension à la fois opératique et vériste. Ce chef-d’œuvre aux proportions gigantesques est avant tout un tableau intimiste, et intime. Visconti dresse le portrait d’un aristocrate témoin de son temps, auquel il s’identifie totalement.

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