Olivier Père

Une étoile est née et La Joyeuse Suicidée de William A. Wellman

William A. Wellman, cinéaste viril, est célèbre pour ses grands films policiers, ses westerns et ses films de guerre. On lui doit aussi des classiques du mélodrame et de la comédie sophistiquée, comme vient le rappeler ce coffret édité par Lobster qui réunit trois productions prestigieuses de David O. Selznick : Une étoile est née (A Star is Born, 1937) et La Joyeuse Suicidée (Nothing Sacred, 1937) de Wellman et Le Petit Lord Fauntleroy (Little Lord Fauntleroy, 1936) de John Cromwell, pas vu.

Après avoir travaillé au sein de plusieurs studios hollywoodiens Selznick devient un producteur indépendant et fonde son propre studio de cinéma en 1936, la Selznick International Pictures, dont les films sont distribués par United Artists. L’apogée de la Selznick International Pictures et de la carrière de Selznick coïncidera avec les triomphes de Autant en emporte le vent et Rebecca qui remporteront consécutivement l’oscar du meilleur film en 1939 et 1940. Les années 30 sont jalonnées de grandes réussites produites par Selznick, comme ces deux films de Wellman.

Dès 1932 Selznick avait produit pour la RKO What Price Hollywood? de George Cukor, mélodrame sur les coulisses des studios, dans lequel une jeune serveuse rêvant de devenir une star rencontrait un réalisateur sur le déclin et alcoolique. Cinq ans plus tard le scénario de Dorothy Parker et Alan Campbell reprend certains éléments de What Price Hollywood? pour raconter l’histoire d’amour entre une petite provinciale débarquée à Hollywood dans l’espoir devenir actrice et une vedette de l’écran dont les frasques et la dépendance à l’alcool vont provoquer la chute.

Fredric March et Janet Gaynor dans Une étoile est née de William A. Wellman

Fredric March et Janet Gaynor dans Une étoile est née de William A. Wellman

Une étoile est née est un chef-d’œuvre d’émotion et de sensibilité, porté par les merveilleuses interprétations de Janet Gaynor et Fredric March. Il s’ouvre et se conclut sur les pages de son scénario, originale mise en abyme. Le film, comme La Joyeuse Suicidée, a été tourné avec le procédé Technicolor dont les couleurs douces participent à une forme de déréalisation onirique. L’histoire et même plusieurs séquences dramatiques seront reprises à l’identique par Cukor – encore lui – dans son remake de 1954, plus long, flamboyant et cruel que le film de Wellman.

Dans La Joyeuse Suicidée (photo en tête de texte) on retrouve Fredric March associé cette fois-ci à Carole Lombard, autre déesse de l’écran qui n’avait rien à envier à Janet Gaynor en matière de charme et d’humour. C’est un joyau de la comédie hollywoodienne. Le scénario et les dialogues de Ben Hecht son étourdissants d’esprit et de drôlerie. Le film met en scène la rencontre mouvementée entre un reporter cynique et une jeune femme supposée avoir été empoisonnée par du radium, et donc condamnée par la médecine. Or il n’en est rien et la belle, contrainte au mensonge, va profiter d’un séjour à New York au frais d’un journal qui mise sur l’émotion de l’opinion publique pour accroitre ses ventes. Satire des médias et de la course à la prospérité, comédie sentimentale pleine de quiproquos et de rebondissements, La Joyeuse Suicidée respire le bonheur de faire du cinéma, bonheur partagé avec les spectateurs et qui n’appartient qu’à cet âge d’or des années 30, au temps d’un art et d’un monde pouvant goûter une certaine innocence, vouée à bientôt disparaître.

Carole Lombard dans La Joyeuse Suicidée de William A. Wellman

Carole Lombard dans La Joyeuse Suicidée de William A. Wellman

Catégories : Actualités

2 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Vu hier Nothing Sacred.

    J’ai nettement moins aimé que To Be Or Not To Be… Des moments bouffons assez enlevés ne sauvent pas le reste qui est très mécanique et manque de fantaisie générale.

    La réalisation de Wellman est très plan-plan, sans inspiration. La seule scène originale l’est tellement qu’on se demande si ce n’est pas son assistant qui l’a réalisée pendant que Wellman exerçait son regard de mâle aventurier dans le miroir des toilettes… C’est un plan sur les quais, quand le coupe s’embrasse pour la première fois. Quasi avant-gardiste comme idée de mise en scène et totalement en porte-à-faux avec le reste qui est du théâtre filmé en plans d’ensemble à hauteur d’homme. L’autre idée de l’assistant (béni soit cet homme s’il a existé) est de filmer le couple derrière une branche d’arbre qui leur masque complètement le visage, d’ailleurs à peu près la même idée que celle sur les quais… Je ne sais pas si vous vous souvenez de ces moments bizarres.

    Carole Lombard sauve la mise; elle m’a fort fait penser à Isabelle Huppert dans ses rôles d’évaporée. L’acteur masculin est insipide par contre.

    Gaynor est une actrice supérieure. Et le couple qu’elle forme avec Farrell – qui est une espèce de Cooper naïf- est merveilleux. Il faut voir particulièrement Lucky Star. Borzage est un grand metteur en scène qui a une vision cohérente et forte, ce qui n’est pas le cas de Wellman, même s’il est l’auteur des scènes que je mentionne…!

  2. Bertrand Marchal dit :

    Ceci dit, je me suis souvenu après avoir rédigé ce commentaire que Wellman avait aussi réalisé the Yellow Sky, qui présente les mêmes contrastes: des moments de mise en scène très peu inspirée (les scènes en intérieur autour du lit du père par exemple) et une séquence en particulier qui vient trancher net l’impression de fadeur pour propulser le film dans l’abstraction: celle du gunfight final.
    Drôle de personnage qui semble aborder son métier avec désinvolture et puis soudain semble se souvenir qu’il a des ambitions d’auteur et laisse éclater une ou deux idées brillantes.

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