Dans le cadre de la programmation « embarquement pour l’Asie » on pourra voir cinq classiques du cinéma d’arts martiaux, tous indispensables, gratuitement sur la plateforme ARTE Cinéma, et ceci pendant deux mois à partir de début juillet. La Main de fer de Chung Chang-wha est déjà disponible, La 36ème Chambre de Shaolin de Liu Chia-liang, L’Hirondelle d’or de King Hu, La Rage du tigre de Chang Cheh et Baby Cart : l’enfant massacre de Kenji Misumi (seul film japonais du lot) le seront dès la semaine prochaine.
Si King Hu fut le grand esthète calligraphe du « wu xia pian », et Chang Cheh le barde furieux de l’héroïsme et du sang, Liu Chia-liang fut sans aucun doute le cinéaste de la Shaw Brothers dont le travail est le plus intimement lié à la compréhension et à la pratique des arts martiaux. Liu Chia-liang fut d’abord cascadeur et a réglé les combats de plusieurs films chinois – notamment ceux de Chang Cheh – avant de passer à la mise en scène et signer ses propres films, tous placé sous le signe du Kung Fu. Liu Chia-liang est le descendant d’une longue dynastie d’artistes martiaux. Son père Liu Cham a été disciple de Li Shirong, le plus célèbre des élèves du maître Wong Fei-hung, personnage historique popularisé en Occident par la saga Il était une fois en Chine.
Dans ses films Liu Chia-liang s’est davantage intéressé à la dimension spirituelle et philosophique des arts martiaux, plutôt qu’à l’exaltation de la violence et du thème de la vengeance, récurrents dans de nombreuses productions de la Shaw. Liu Chia-liang est sans doute le cinéaste chinois qui a le mieux filmé, jusqu’à les magnifier, les exploits physiques de ses athlétiques héros, leur agilité et leur talent dans le maniement des armes. Liu Chia-liang est un excellent cinéaste et un chorégraphe de génie. La façon dont il filme les combats est d’une précision et d’une grâce absolues. A la différence de certains de ses collègues Liu Chia-liang n’a pas recours à des effets spéciaux ou des câbles pour rendre les combats plus irréels ou fantastiques. Ce qui est spectaculaire dans ses films, c’est justement la force et la dextérité de ses acteurs artistes martiaux, qui ne sont relayées par aucun trucage, et qui s’expriment devant la caméra de Liu Chia-liang, dont le sens du cadre et de l’espace est remarquable.
Toutes ces qualités peuvent être admirées dans La 36ème Chambre de Shaolin (36th Chamber of Shaolin , Shao Lin san shi liu fang, 1978), cinquième long métrage de Liu Chia-lang et l’un des plus beaux films d’arts martiaux jamais réalisés, véritable chef-d’œuvre du genre qui va engendrer de nombreuses suites et imitations autour du mythique temple de Shaolin, parfois mises en scène par Liu Chia-liang lui-même.
La 36ème Chambre de Shaolin s’inspire de faits réels et mêle personnages historiques et fictionnels, respect de la vérité et invention romanesque.
Face à l’oppression de sa ville Canton par un seigneur Mandchou et ses sbires, le jeune étudiant Liu Yu-Te rejoint la résistance, jusqu’au jour où son activité est découverte, entraînant le massacre de sa famille et de ses amis. Blessé et traqué par l’ennemi, Liu décide de rejoindre le temple de Shaolin dans le but d’y apprendre le kung fu, pour pouvoir assouvir sa vengeance. C’est avec difficulté qu’il se fait accepter par les moines qui, d’ordinaire, refusent de communiquer leur art aux laïcs. Rebaptisé San Te, le jeune rebelle entame un parcours initiatique qui passera par une série d’épreuves se déroulant dans 35 chambres… Sept ans plus tard, devenu maître Shaolin, San Te quitte le temple et part libérer son peuple.
Le film est constitué de trois parties et c’est la partie centrale, celle de l’initiation de Liu aux arts martiaux dans le temple de Shaolin qui se révèle la plus passionnante, pour le spectateur et très certainement pour Liu Chia-liang aussi. Le cinéaste filme la transformation physique de Liu, son apprentissage des techniques successives du kung fu – chaque chambre est censée développer une aptitude et une partie du corps particulières – mais également son itinéraire moral. La 36ème Chambre de Shaolin raconte aussi l’histoire de l’invention d’une arme, le fléau à trois branches, que l’on doit au véritable moine San Te.
Liu / San Te est interprété par le charismatique Gordon Liu (photo en tête de texte), jeune vedette du cinéma de Hong Kong et frère par adoption de Liu Chia-liang. C’est avec ce dernier qu’il fera l’essentiel de sa carrière – 14 films ensemble jusqu’au dernier de Liu Chia-liang, Drunken Monkey en 2002 – avant d’être invité par Quentin Tarantino pour un rôle en forme de clin d’œil dans Kill Bill.
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