Olivier Père

Justin de Marseille de Maurice Tourneur

Pathé édite ces jours-ci un combo Blu-ray / DVD de Justin de Marseille (1935) de Maurice Tourneur, en version restaurée.

Justin de Marseille, écrit par Carlo Rim, est un classique de notre cinéma policier, parfois surnommé « le Scarface français » en raison de sa description de la pègre et d’un truand charismatique. A la différence que Justin n’est pas le psychopathe dégénéré et sanguinaire décrit par Ben Hecht et Howard Hawks, mais un sympathique parrain de quartier, plus marlou que mafioso, figure locale aimée des habitants et adoré de ses hommes qui protège la ville théâtre de toutes sortes de trafics contre les agissements d’un gangster rival, le napolitain Esposito dont on retrouvera le cadavre dans un terrain vague après un duel « homme à homme » avec Justin (superbe ellipse dans la mise en scène de Tourneur, constamment inventive). Justin sauvera également une jeune fille naïve acculée au suicide par un proxénète sans scrupules dont elle était tombée amoureuse, et la remettra sur le droit chemin. Déclaration d’amour à la Cité phocéenne, son folklore, son cosmopolitisme et ses habitants hauts en couleurs, Justin de Marseille est un film étonnant qui n’a pas peur du mélange de genre, passant de la comédie méridionale et du mélodrame au polar, avec des acteurs et des situations irrésistibles. Le film compte parmi les nombreux chefs-d’œuvre du cinéma français des années trente, et les plus belles réussites de Maurice Tourneur, qui revenait des Etats-Unis où il avait signé plusieurs films muets importants. Le style et le rythme de Justin de Marseille n’ont d’ailleurs rien à envier aux meilleurs films de gangsters américains. Le polar marseillais de Tourneur grouille de personnages pittoresques, de dialogues à la faconde inoubliable mais aussi d’images poétiques comme ce plan qui va des étoiles à la fange, lorsqu’un maquereau entraîne sa victime dans un hôtel de passe. Berval est parfait dans le rôle de Justin, entouré d’acteurs et actrices qu’on a toujours beaucoup de plaisir à retrouver dans des apparitions fugaces ou plus consistantes, petit peuple qui fit la grandeur du cinéma français d’avant-guerre : Larquey en complice bègue, Line Noro ou Aimos en « fada. »

Sur la carrière de Maurice Tourneur, cinéaste talentueux et encore méconnu, on lira avec intérêt l’essai sérieux et documenté que lui a consacré Christine Leteux aux Editions La Tour Verte l’année dernière : « Maurice Tourneur réalisateur sans frontières. »

 

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