Délaissant la séduction immédiate, la sensualité solaire et hédoniste de son film précédent L’Inconnu du lac, Alain Guiraudie nous entraîne avec Rester vertical dans un voyage intime et géographique à travers la France d’aujourd’hui. Le huis-clos en plein air cède la place à une grande variété de paysages, naturels et urbains (une grande première chez Guiraudie), mais aussi mentaux, à l’image d’un film qui embrasse foule de sujets sociétaux – homoparentalité, précarité, écologie, suicide assisté… – sans se départir d’une inspiration mythologique, et même biblique. Chez Guiraudie il y aura toujours des incongruités posées comme normales, telle cette tourte de thérapeute tendance chlorophylle où l’on vous branche des électrodes végétales, ou ce producteur poursuivant en barque un cinéaste en cavale dans la Venise verte pour lui réclamer son scénario. Mais Rester vertical marque néanmoins une rupture avec la veine fantaisiste du cinéaste de Gaillac, qui adopte ici un ton plus grave. Il s’agit moins du temps de la maturité que de celle de la radicalité affirmée, esthétique et politique, et de toute une série de questionnements sur le monde, sur nos modes de vie et nos aspirations. Rester vertical gagne en ampleur, à tous points de vue. Guiraudie magnifie la nature par des cadres grandioses qui évitent la moindre tentation de joliesse paysagiste. Léo le héros du film a beau être un cinéaste, Guiraudie se maintient à distance de l’autofiction. La profession de Léo en fait peut-être un personnage réceptif, avide de rencontres et de déplacements, dans un période de doute, de vagabondage affectif, de libido hésitante (hommes ou femmes, jeunes ou vieux ?) et de panne créatrice. Son désir de fuite va se doubler d’un désir inattendu d’enfant, qu’il assumera à la place de la mère, une bergère croisée sur un causse. Le style déambulatoire du film, mi dépressif mi cocasse, trouve son point culminant dans sa conclusion, aboutissement de la quête ascétique de Léo. Il réussit enfin à entrer en contact avec des loups, de retour dans les zones rurales de Lozère. Il faut saluer avec cette dernière séquence sidérante de beauté et de puissance la vision d’un cinéaste qui franchit un cap important dans sa volonté de croiser mythe et utopie, rêve et réalité, sexe et mort.
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