Olivier Père

La Revanche de la créature de Jack Arnold et La créature est parmi nous de John Sherwood

Elephant enrichit sa collection « monster club » des deux suites de L’Etrange Créature du lac noir produites par la Universal.

La Revanche de la créature (Revenge of the Creature, 1955) est comme le film original réalisé par Jack Arnold et tourné et distribué en 3D. C’est la version plate que l’on peut apprécier ici, mais cela n’occulte en rien les qualités et l’originalité de cette suite qui confirme les talents du cinéaste Jack Arnold, peu avare en idées visuelles.

Arnold apporta une contribution non négligeable à la science-fiction moderne avec une poignée de films qui mêlaient spéculations scientifiques, considérations métaphysiques et une poésie très concrète, issue de l’observation du monde réel (voir son chef-d’œuvre L’homme qui rétrécit).

Dans La Revanche de la créature, une équipe de chercheurs capture l’homme poisson dans son environnement naturel, l’Amazonie, où il est considéré comme une force sauvage, une divinité surgie de la nuit des temps. Rapatrié en Floride, la créature amphibie est retenue prisonnière dans un parc aquatique, objet de la curiosité malsaine des médias et des touristes, tandis que des savants tentent maladroitement de l’étudier en captivité.

Le « Gill-Man » est présenté comme le chainon manquant entre le poisson et le mammifère, créature solitaire dont la puissance semble défier l’acharnement des hommes à vouloir la comprendre. La Revanche de la créature de Jack Arnold est symptomatique de l’Amérique des années 50, fière de sa supériorité technologique, forte de sa croyance inébranlable dans le progrès. Les dialogues évoquent la bombe atomique, ou les voyages dans l’espace (dans La créature est parmi nous). Ces convictions sont nuancées par le film d’Arnold, qui glorifie la beauté et la sauvagerie archaïque de sa créature, un des plus beaux monstres du cinéma fantastique. La fascination du « Gill-Man » pour une jeune et jolie ichtyologue oriente le film dans la mouvance de King Kong ou de La Belle et la Bête, notamment lors de l’enlèvement et de la traque finale.

La Revanche de la créature de Jack Arnold

La Revanche de la créature de Jack Arnold

Les scènes dans un parc aquatique de Floride rappellent que Arnold n’est jamais aussi bon que dans une forme de fantastique quotidien, lorsqu’un environnement banal devient soudainement inquiétant, investi de l’intérieur par une menace archaïque. Arnold questionne ainsi cette culture du divertissement de masse et de la domestication de la nature au cœur des parcs de loisirs. Les prises de vues sous-marines (et sous piscines) sont remarquables, presque aussi belles que dans le premier opus, et relèvent du défi technique, le film ayant été tourné avec deux grosses caméras nécessaires à l’obtention d’images en relief.

On peut parier que La Revanche de la créature et ses images saisissantes du monstre semant la panique hors de son bassin firent forte impression sur de jeunes spectateurs nommés Steven Spielberg (Jurassic Park) et John Landis (Le Flic de Beverly Hills 3), sans oublier que la médiocre troisième partie des Dents de la mer (elle aussi exploitée en 3D) se déroule également dans un parc aquatique, attaqué par le requin géant.

Le troisième épisode des aventures du « Gill-Man », réalisé un an plus tard, s’intitule La créature est parmi nous (The Creature Walks Among Us), titre qui aurait fort bien convenu à la suite de Jack Arnold.

Le cinéaste a laissé la place à John Sherwood, faiseur sans aucun génie, et le film n’a pas été tourné en 3D, sans doute par mesure d’économie. Série B plus modeste que les deux films précédents, La créature est parmi nous dispose néanmoins d’un scénario très curieux et exploite un postulat aussi passionnant qu’inattendue. Réfugiée dans les marécages des Everglades, la créature est une nouvelle fois dérangée dans sa retraite par des scientifiques entreprenants, et grièvement brûlée lors de sa capture. Un docteur découvre qu’il peut sauver le monstre en lui retirant les ouïes, ce qui aura pour effet de débloquer son appareil respiratoire et lui donner la capacité de respirer à l’air libre. De plus, lors de l’opération, le savant remarque que sous les écailles brûlées, on peut voir de la peau humaine.

La créature est parmi nous est donc un film sur la mutation d’un monstre en une nouvelle espèce intermédiaire, plus proche cette fois de l’homme que du poisson. Cette métamorphose accidentelle prive le « Gill-Man » de ses qualités amphibies, et l’empêche de rejoindre le monde aquatique qu’il dominait de sa force et de son agilité. Une évolution paradoxale qui transforme la gracieuse créature en monstre pathétique, prisonnier d’une nouvelle enveloppe physique et surtout de la société des humains, sur la terre ferme. On est désormais plus proche de Frankenstein que de King Kong, avec une créature victime de la mégalomanie d’un explorateur. Cette belle idée et les scènes de climax réussies excusent les maladresses des scènes d’introduction et de l’interprétation.

La créature est parmi nous de John Sherwood

La créature est parmi nous de John Sherwood

 

 

 

 

 

 

La Revanche de la créature est proposé en combo blu-ray et DVD, La créature est parmi nous en DVD seulement.

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