Olivier Père

La Poursuite infernale de John Ford

A la mémoire de Jean-Marie Rodon, disparu le 11 mars 2016, exploitant de salles et distributeur de films, auxquels de nombreux cinéphiles doivent leur découverte du cinéma classique américain dans les salles Action.

Action / Théâtre du Temple ressort début mai trois titres majeurs de John Ford produits pour la Fox dans les années 40 : Les Raisins de la colère, Qu’elle était verte ma vallée et La Poursuite infernale, l’un des plus beaux westerns jamais réalisés.

Henry Fonda dans La Poursuite infernale (1946)

Henry Fonda dans La Poursuite infernale (1946)

La Poursuite infernale (soit My Darling Clementine, le titre original est tellement plus beau et juste) existe dans deux montages différents, disponibles en DVD. Il y a quelques années fut découverte la première version du film, tel qu’il fut monté avant son exploitation commerciale. Plus longue de cinq minutes, cette version correspondait davantage à la volonté de John Ford, qui dut procéder à quelques retouches à la demande de la Twentieth Century Fox. Ces modifications sont minimes et seuls les fordiens patentés pourront apprécier les différences entre les deux versions. Par exemple, au tout dernier plan du montage de Ford, Henry Fonda (Wyatt Earp) serre la main de Cathy Downs (sa Clementine chérie) – ce geste en forme de litote exprime davantage la flamme de Earp pour sa dulcinée qu’une fougueuse étreinte – tandis que les producteurs exigèrent une fin plus conventionnelle où les deux amoureux s’embrassent avant de se quitter. C’est désormais la version de 97 minutes de la Fox qui est exploitée, et que l’on peut revoir à l’occasion de cette reprise en salles.

La Poursuite infernale (1946)

La Poursuite infernale (1946)

On a le droit d’ignorer ce débat de cinéphiles – pourtant passionnant  – et admirer l’un des plus sublimes westerns de l’histoire du cinéma et un sommet de l’art fordien. Lorsque Ford met en scène My Darling Clementine, sur le combat du shérif Wyatt Earp et ses frères contre des éleveurs de bétail assassins du cadet de la famille, cet épisode véridique de l’Histoire de l’Ouest appartient depuis longtemps à la mythologie des États-Unis et a déjà été adapté plusieurs fois au cinéma (il le sera encore après le film de Ford.) John Ford avait lui-même rencontré Wyatt Earp dans sa jeunesse et il prétendit avoir reconstitué le fameux règlement de comptes à O.K. Corral tel qu’il s’était réellement déroulé. Vrai ou faux, on s’en fiche, puisque le film touche au génie.

Victor Mature dans La Poursuite infernale (1946)

Victor Mature dans La Poursuite infernale (1946)

On admire sans réserve la construction digressive du récit, qui multiplie les scènes annexes pour mieux laisser éclater la violence et la tragédie, la fausse nonchalance du rythme, la photographie crépusculaire. Les acteurs (Henry Fonda, Victor Mature inoubliable dans le rôle de Doc Holliday, la sensuelle Linda Darnell) sont tous magnifiques et expriment à la perfection la complexité des sentiments des personnages qu’ils interprètent. Un chef-d’œuvre.

 

 

 

Un autre classique de Ford à revoir en salle en mai : Les Raisins de la colère (1940) avec Henry Fonda

Un autre classique de Ford à revoir en salle en mai : Les Raisins de la colère (1940) avec Henry Fonda

Et aussi Qu'elle était verte ma vallée (1941) avec Maureen O'Hara et Walter Pidgeon

Et aussi Qu’elle était verte ma vallée (1941) avec Maureen O’Hara et Walter Pidgeon

Catégories : Actualités

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