Olivier Père

La Nuit des généraux de Anatole Litvak

ARTE diffuse dimanche 13 mars à 20h45 La Nuit des généraux (The Night of the Generals, 1967) de Anatole Litvak, dans le cadre du « printemps du polar ». On pourrait parler de polar historique au sujet de La Nuit des généraux puisque le film de Litvak nous invite à suivre l’enquête d’un officier allemand obstiné à la poursuite d’un tueur en série au coeur du plus grand crime de masse du XXème siècle, l’Europe mise à feu et à sang par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale. L’action film débute à Varsovie en 1942 et se poursuit à Paris sous occupation allemande, deux ans plus tard. Le Major Grau enquête sur le meurtre sadique d’une prostituée polonaise. Il a bientôt l’intime conviction que l’assassin est un général allemand, un des trois actuellement en poste dans la ville assiégée. Trois officiers aux profils opposés mais qui semblent tous dissimuler un secret. Une promotion empêche Grau de mener à bien ses investigations. Il est transféré sur le champ à Paris. Par un étrange hasard les quatre hommes sont de nouveau réunis dans la capitale française… Le film de Litvak, adapté (par Paul Dehn et Joseph Kessel) de deux romans différents (l’un de James Hadley Chase, l’autre de Hans Hellmut Kirst), entremêle une intrigue policière retorse aux remous terribles de l’Histoire. Tandis qu’un tueur psychopathe en uniforme nazi déchaine ses pulsions criminelles et sa haine féroce des femmes sur des prostituées, d’autres hauts officiers allemands fomentent dans l’ombre le complot visant à tuer Hitler et à mettre un terme à la guerre. La Nuit des généraux propose ainsi un excitant cocktail de thriller et de reconstitution historique – la fameuse opération Valkyrie du 20 juillet 1944, de personnages fictifs et réels (von Stülpnagel interprété par Harry Andrews, Rommel par Christopher Plummer). Il s’agit d’une superproduction européenne par le producteur américain Sam Spiegel qui, auréolé du triomphe de Lawrence d’Arabie, fait de nouveau appel à Peter O’Toole et à Omar Sharif dans les rôles principaux et à Maurice Jarre pour la musique, entourés d’une prestigieuse distribution internationale. Les énormes moyens mis en œuvre pour la réalisation de ce film à grand spectacle n’occultent pas le fait que La Nuit des généraux demeure avant tout le portrait glaçant d’un psychopathe monstrueux, incarné d’une inquiétante manière par Peter O’Toole. Son alcoolisme chronique durant le tournage – synchrone avec celui de son personnage – rend la composition de l’acteur vraiment malsaine. Il est impressionnant dans la seconde partie du film où il s’accorde un peu de temps libre pour visiter Paris, escorté par un jeune caporal qui va découvrir le secret de sa folie. Difficile d’oublier sa crise de nerfs planté devant un autoportrait de Van Gogh. La Nuit des généraux, film étrange, bascule alors de la fresque guerrière au « slasher », distillant une atmosphère oppressante sans avoir recours aux effets sanglants. Dès le générique nous sommes plongés dans un cauchemar agressif et sexuel où s’entrechoquent les fétiches du nazisme. La Nuit des généraux est précurseur de certains films de tueurs en série modernes qui sont des plongées dans les méandres les plus effrayants du cerveau humain. Un titre à redécouvrir, dernière grande réussite d’un cinéaste sous-estimé dont la longue carrière compte plusieurs classiques du mélodrame et du film noir, en France et à Hollywood.

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