Olivier Père

Gremlins 2 : la nouvelle génération de Joe Dante

ARTE diffuse dimanche 6 mars à 22h50 Gremlins 2 : la nouvelle génération (Gremlins 2: The New Batch, 1990), la suite que Joe Dante consacra à Gremlins, sorti en 1984.

Le film, une nouvelle fois coproduit par Steven Spielberg est d’ailleurs bien plus qu’une simple suite voulant profiter du succès commercial du premier opus. Dante radicalise sa démarche et transforme le projet en satire féroce du capitalisme, des médias et de la société du spectacle, concentrée dans un gratte-ciel new yorkais qui contient un empire personnel construit autour des images, du profit et de la consommation : celui de Daniel Clamp, milliardaire omnipotent et cynique, parodie transparente de Ted Turner le magnat de la télévision américaine et de Donald Trump quand celui-ci n’était pas encore candidat aux primaires du parti Républicain dans la course à la Maison-Blanche et se contentait de faire fructifier sa fortune dans l’immobilier.

Gremlins 2 : la nouvelle génération de Joe Dante

Gremlins 2 : la nouvelle génération de Joe Dante

La « Clamp Tower » au cœur de Manhattan se substitue donc comme décor unique et cauchemardesque à la paisible bourgade du premier film, théâtre des agissements destructeurs des sales bestioles nommées Gremlins. Dans ce nouveau film les vilains Gremlins, encore plus nombreux et caractérisés par des personnalités extravagantes qui caricaturent le comportement des humains, vont s’emparer de la Clamp Tower comme d’un gigantesque luna-park. La Tour abritant des studios de télévision, un laboratoire de recherche, des bureaux et des boutiques, ils vont pouvoir la transformer en terrain de jeux et tout détruire sur le passage dans un élan de pure jouissance enfantine. Les Gremlins sont des sales gosses pervers qui absorbent la culture de masse, les images et les produits manufacturés pour les recracher au visage du spectateur consommateur. Dante orchestre ce chaos orgiaque avec jubilation. Les plans sont saturés de références pop et de clins d’œil au cinéma et à la télévision. Cinéphile boulimique, amoureux du fantastique et du dessin animée, Dante adoube ses petites créatures qui s’amusent avec tout ce que les Etats-Unis ont pu produire comme spectacle et divertissement depuis les années 40. Il glorifie les monstres anarchistes qui ridiculisent l’Amérique des « Yuppies » aux dents longues et s’emparent de l’industrie des images pour improviser une énorme fête scandaleuse et apocalyptique. Il y a certes le couple de jeunes héros positifs et le mignon Mogwai qui, aidés par quelques personnages excentriques, vont tenter de mettre un terme à l’énergie dévastatrice des Gremlins, mais Joe Dante a choisi son camp. La nostalgie assumée du réalisateur, son humour sarcastique et sa violente charge contre l’ultralibéralisme politique et économique des années 90 empêcheront Gremlins 2 de remporter un succès commercial comparable au premier film. Dante est sans doute allé trop loin pour le public familial américain, et la critique n’a pas suffisamment salué à l’époque son travail de cinéaste, capable de proposer des formes visuelles dignes des plus délirantes créations de Chuck Jones maître du cartoon (les fameuses séries « Looney Tunes » et « Merrie Melodies » produites chez Warner) auquel Dante rend un superbe hommage dans Gremlins 2, dès le générique. On trouve dans Gremlins 2 au moins une idée par plan, et cette profusion visuelle, loin de lasser, nous plonge dans l’euphorie.

Ce joyeux jeu de massacre, triomphe de la mauvaise pulsion, constamment excitant pour les yeux et l’esprit, s’adresse aux enfants de tous âges, les plus farceurs et les turbulents n’étant pas forcément les plus jeunes.

 

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