Olivier Père

Razzia sur la chnouf de Henri Decoin

ARTE diffuse Razzia sur la chnouf (1955) de Henri Decoin dans l’après-midi du vendredi 8 janvier à 13h35. C’est l’une des meilleures « série noire » françaises de cette période, qui confirme le retour en grâce de Jean Gabin auprès du public dans des rôles de policiers ou de gangsters, après le succès du magnifique Touchez pas au grisbi de Jacques Becker, sorti l’année précédente. L’acteur joue ici sur le deux tableaux, puisqu’il interprète – attention « spoiler » ! – un inspecteur infiltré dans le monde des trafiquants de drogue. Sous l’identité du Nantais, truand de retour en France après un séjour aux Etats-Unis, il feint de reprendre en main le réseau de la cocaïne (la « chnouf » comme on disait alors) et entre en contact avec les barons locaux et leurs nombreux intermédiaires, soucieux de tenir leur commerce à l’abri des interventions de la police. A la fois flic et voyou, Gabin domine avec son assurance habituelle une distribution d’excellents acteurs, parmi lesquels Marcel Dalio, Lino Ventura, Paul Frankeur et surtout la belle Magali Noël (photo en tête de texte), qui nous a quittée l’année dernière, dans le rôle de la maîtresse du Nantais. Razzia sur la chnouf baigne dans une atmosphère nocturne, celle des restaurants et clubs fréquentés par le milieu parisien, avec ses figures pittoresques et son argot de Paname. Henri Decoin ne se contente pas d’aligner les clichés en honnête artisan du genre. Razzia sur la chnouf traite avec sérieux d’un sujet tabou et rarement abordé à l’écran dans les années 50, la drogue. Sous influence du film noir américain sans doute, mais avec une approche réaliste qui lui est propre, Razzia sur la chnouf ne cache pas ses ambitions documentaires, en explorant toutes les facettes du trafic de drogue et ses sinistres protagonistes, du passeur au consommateur. Le film grouille de personnages pittoresques et de décors contrastés, nous évoluons du luxe bourgeois des gros bonnets de la drogue aux tripots sordides des quartiers interlopes, où va se perdre une toxicomane interprétée de façon inoubliable par Lila Kedrova.

Auguste Le Breton – qui adapte ici son propre roman – et Henri Decoin ne privilégient pourtant pas l’ambiance au détriment de l’action. Sans aucun temps mort, toujours aussi captivant à chaque nouvelle vision, Razzia sur la chnouf est une réussite totale.

 

 

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