ARTE diffuse Trafic (1971) le lundi 21 décembre à 23h30, dans le cadre de son cycle dédié à Jacques Tati. Monsieur Hulot, dessinateur pour un petit constructeur automobile, est chargé d’acheminer vers le salon de l’Auto qui se tient à Amsterdam le nouveau modèle de la firme, un camping-car révolutionnaire bourré de gadgets. Mais la route est semée d’embûches et le convoi arrivera trop tard à destination. Réalisé après le grave échec public de son chef-d’œuvre Play Time, Trafic est le dernier film de cinéma de Jacques Tati, qui renoue superficiellement (et pour des raisons commerciales) avec le personnage de Monsieur Hulot qu’il avait délaissé (ou plutôt dilué) au milieu de la foule anonyme de Play Time. Cette satire de la domination automobile marque l’accomplissement d’un burlesque expérimental qui n’appartient qu’à Tati. Le tournage en décors naturels – budget oblige – permet au cinéaste de revenir vers un comique d’observation plus spontané. Mais Tati ne renonce pas pour autant à ses recherches obstinées sur l’image, la couleur et le son. Les gags purement graphiques touchent à la perfection, de même que les fameuses inventions linguistiques. Seul hic de ce « Tati World » qui a tant impressionné des auteurs aussi différents que David Lynch et Otar Iosseliani : les gags atteignent une telle poésie visuelle et musicale qu’on en oublie presque de rire. Il est vrai qu’en 1971 le cinéaste, trop lucide, n’avait plus le cœur à la rigolade. L’art de Tati, supérieurement élaboré, n’oublie pas de rester à l’écoute du monde. Trafic est, d’une certaine manière, un documentaire alarmant sur une société qui n’existait pas encore au moment de son tournage.
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