Olivier Père

La Désintégration de Philippe Faucon

ARTE diffuse La Désintégration (2012) de Philippe Faucon le mercredi 14 octobre à 20h50, en coïncidence avec la sortie en salles de Fatima (coproduction ARTE France Cinéma), nouveau long métrage du cinéaste, et d’une rétrospective complète que lui consacre la Cinémathèque française.

Philippe Faucon a consacré la majeure partie de son travail cinématographique à la communauté maghrébine en France, au travers de portraits – souvent féminins – qui mêlent à l’intime un propos plus large sur notre société. La Désintégration – comme La Trahison, sur la guerre d’Algérie – est un film un peu à part dans son œuvre : Faucon s’y intéresse à trois jeunes hommes d’une banlieue lilloise, endoctrinés par un individu charismatique qui les amène sur le chemin de l’islamisation radicale et du terrorisme. La Désintégration part d’un constat, et cherche à comprendre les raisons de cette réalité. Faucon s’appuie sur des recherches sérieuses et de nombreux témoignages, évite les pièges des clichés ou de l’inexactitude. Il y a une dimension didactique dans le film qui présente avec précision les techniques d’endoctrinement utilisées dans les prisons et dans les cités, qui consistent à d’abord mélanger le vrai et le faux pour ne pas laisser de place à un contre discours, à encourager l’attitude de repli, de désillusion et de colère de certains jeunes en situation difficile, à les couper de la moindre influence extérieure (famille, école, communauté religieuse), à leur ordonner d’abandonner respect, tolérance et amour pour les transformer progressivement en soldats téléguidés et les conduire à des opérations meurtrières.

Mais la mise en scène de Faucon n’est pas inféodée au caractère dramatique, et même tragique, de son sujet. Elle ne sombre jamais la démonstration, ni dans le pathos, gardant une distance critique qui s’apparente à celle de l’essayiste. La présence de ses comédiens, tous porteurs d’une grâce émouvante, évite l’exposé théorique, mais on sent Faucon soucieux de s’émanciper d’un certain courant naturaliste français, tenté par une épure bressonienne qui sied à cette description glaçante d’une plongée dans les ténèbres, d’un cheminement implacable vers la mort. Le cinéma de Faucon se caractérise habituellement par sa sensualité, sensualité qui est ici éradiquée. Des courants contradictoires traversent ses films, sensibles aux fluctuations de la vie, avec des personnages antinomiques (voir Fatima, le dernier en date, avec deux sœurs aux trajectoires diverses). La pulsion vitale est souvent féminine. La désintégration, film masculin, est un film sur la pulsion de mort, l’autodestruction, mais l’instinct de survie, une nouvelle fois incarné par un personnage en particulier, un jeune délinquant sans illusions, finit malgré tout par s’y inviter.

 

 

 

 

 

 

 

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