Olivier Père

Le Cinéma de papa de Claude Berri

Le Cinéma de papa (1971) diffusé lundi 14 septembre à 22h20 sur ARTE est la pièce maîtresse du roman familial que Claude Berri va écrire sous la forme d’une série de films, entre autobiographie et autofiction, le cinéaste ne cherchant pas à dissimuler l’origine de son inspiration. Il s’agit au contraire d’affirmer le matériau intime et véridique dont seront fait ces films, parfois à peine romancés, avec une valeur évidente de thérapie, mais aussi d’hommage aux morts chéris, avec la reconstitution minutieuse et amoureuse du temps de l’enfance et de la jeunesse, quand la famille Langmann (vrai nom de Berri) vivait heureuse et unie, malgré les problèmes d’argent et l’incertitude du lendemain. Ainsi Le Cinéma de papa est-il le film d’un fils à la gloire de son père, se déroulant entre 1946 et 1962.

La première partie est la suite directe du Vieil Homme et l’Enfant, avec le petit Alain Cohen qui rempile dans le rôle de Claude enfant, au sortir de la guerre, davantage intéressé par les filles, le billard et le cinéma que les études, à la consternation de ses parents, Juifs ashkénazes originaires de Pologne et de Roumanie. La seconde partie, dans laquelle Berri joue son propre rôle, met en scène ses débuts malchanceux d’acteur puis de producteur, qu’il retrace avec fidélité mais tourne aussi en dérision, avec des épisodes cocasses et pathétiques, mais toujours réels. Berri fait le désespoir de son père, modeste artisan fourreur du Faubourg Poissonnière, puis sa fierté lorsque le fils décide de faire de sa vie son œuvre, en s’inspirant de la personnalité de son père (interprété par Yves Robert), comédien né qui faisait rire toute la famille et le quartier avec ses histoires et sa manière de les raconter. Après une vie d’angoisses et de dur labeur, le père de Claude Berri aura la satisfaction tardive et éphémère d’accompagner son fils dans ses premiers pas de producteur, et même de faire l’acteur pour la première fois devant une caméra avec un petit rôle dans le long métrage d’un ami. Le Cinéma de papa est moins un film sur la création cinématographique, vue par le petit bout de la lorgnette, qu’un dialogue posthume entre un père et son fils, heureux de pouvoir enfin s’exprimer mutuellement leur amour et d’avoir trouvé un terrain de complicité. François Truffaut saluera à sa sortie le film de Claude Berri qui n’adopte jamais le registre de l’apitoiement, ne se complait pas dans la douleur malgré la gravité de son sujet, mais dégage au contraire une énergie de survivant. Une succession accablante de ratages ne vient pas à bout de la volonté du jeune Claude ; la mort de son père, dont il mettra des années à se remettre, donnera naissance à ce film juste, drôle et émouvant, et surtout d’une grande vitalité.

La sœur de Claude Berri, Arlette Langmann, personnage secondaire du Cinéma de papa, écrira un récit sur son adolescence et sa famille, « Les Filles du Faubourg », qui servira de point de départ au scénario de A nos amours (1983) de Maurice Pialat, avec lequel elle avait partagé sa vie. Dans ce film Pialat interprète lui-même le père artisan fourreur d’Arlette (rebaptisée Suzanne et jouée par Sandrine Bonnaire dans son premier rôle) tandis que Dominique Besnehard joue le rôle de son frère, offrant à Pialat l’occasion d’une mise au point avec son ex beau-frère, par film et personnages interposés.

 

 

 

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