Olivier Père

L’Atlantide de Georg W. Pabst

Bach Films propose ces jours-ci en DVD à la vente L’Atlantide (1930) de Georg Wilhelm Pabst réalisé en trois versions comme c’était de coutume dans les années 30 : française (celle qui est présentée par Bach Films), allemande (Die Herrin von Atlantis) et anglaise (The Mistress von Atlantis) avec une distribution changeante – les personnages masculins principaux sont interprétés par des acteurs différents selon les langues, seule Brigitte Helm demeure indétrônable dans le rôle de Antinéa, déesse de l’Atlantide.

Remake d’une précédente adaptation muette signée Jacques Feyder en 1921 (l’une des première superproductions françaises et triomphe commercial), cette nouvelle adaptation du roman à succès de Pierre Benoit n’était au départ qu’une commande commerciale pour le grand réalisateur allemand guère client de ce type de littérature d’évasion. Le film de Pabst va pourtant irriguer un pan fertile de la production française, le cinéma d’aventures coloniales prompt à fabriquer une imagerie exotique. Pourtant L’Atlantide de Pabst se démarque de ces nombreux films par son atmosphère totalement onirique. Il est possible de penser que le récit de Saint-Avit (Pierre Blanchar, au regard halluciné du début à la fin) soit le fruit d’un rêve fiévreux ou d’un délire érotique, que rien n’est vrai mais tout imaginé dans cette découverte d’un royaume mythologique enfoui sous les dunes du Sahara. Cette impression est encouragée par le jeu des acteurs, la photographie et les décors expressionnistes, couloirs et salles souterraines, alvéoles plongées dans la pénombre et où s’agitent les plus violentes passions humaines, qui renvoient à l’inconscient et même au cerveau du pathétique aventurier. Pabst avait signé en 1926 Les Mystères d’une âme, premier film de fiction inspiré des théories freudiennes et cherchant à représenter une cure psychanalytique. Pabst propose avec L’Atlantide une lecture psychanalytique du roman de Benoit, avec une figure féminine dominatrice qui réduit ses amants en esclavage avant de les détruire, un homme qui lui résiste (le capitaine Morhange interprété par Jean Angélo) et un autre qui sombre dans la folie (Saint-Avit). La dimension fantasmatique du film est troublante, L’Atlantide baigne dans une ambiance de cauchemar moite, entre la quête désespérée d’un ami disparu et les apparitions d’une faune interlope perdue dans le désert. Un long flash-back discursif émet l’hypothèse des origines parisiennes de Antinéa, née du mariage entre Clémentine une jolie danseuse de French Cancan à la cuisse légère et un prince arabe séduit lors d’une représentation théâtrale. Mais là encore, impossible de savoir s’il s’agit des divagations d’un vieil alcoolique ou de l’étrange vérité. Brigitte Helm (photo en tête de texte) incarne une Antinéa à la beauté froide et statuaire, dans le strict prolongement de Maria la femme robot qui l’avait révélée dans Métropolis de Fritz Lang en 1927.

 

Nous n’avons pas vu la version de Jacques Feyder, également disponible dans le coffret édité par Bach Films.

 

 

 

 

 

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