Olivier Père

Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Mercredi 20 mai à 20h50 ARTE diffuse Rosetta de Jean-Pierre et Luc Dardenne, Palme d’or et prix d’interprétation féminine pour Emilie Dequenne au Festival de Cannes en 1999, suivi à 22h25 du documentaire de Auberi Elder Il était une fois… Rosetta.

La Promesse, leur film précédent, avait marqué un tournant dans la carrière des frères cinéastes qui y appliquait pour la première fois certaines méthodes de travail et une approche radicale de sujets sociétaux. Un cinéma né de l’observation de la réalité mais aussi d’une réflexion sur la place de la caméra, la direction d’acteurs soumis à un « modelage » au cours de nombreuses prises avec des partis-pris esthétiques qui abandonnent tous les artifices du cinéma et même la psychologie pour se concentrer sur la force et la vérité des corps et des gestes. Rosetta sera la consécration précoce et l’affirmation triomphante d’une « méthode » qui n’est pas destinée à se répéter mais plutôt à se consolider et à s’ouvrir à de nouvelles expériences dans un paysage – la Belgique ouvrière, et plus précisément Seraing ville industrielle de la province de Liège – qui reste sensiblement identique de film en film.

Emilie Dequenne dans Rosetta

Emilie Dequenne dans Rosetta

Rosetta est donc ce chef-d’œuvre fondateur qui doit son titre au prénom d’une jeune fille en perpétuel mouvement, que la caméra ne lâche jamais, et suit généralement au plus près. Le film est un véritable manuel de survie, le portrait d’une guerrière qui doit recommencer chaque jour les mêmes gestes pour ne pas couler comme sa mère – épave humaine sombrée dans l’alcool et la prostitution – et qui part inlassablement chaque matin à la recherche d’un emploi stable.

Trouver un travail coûte que coûte, jusqu’à la tentation du meurtre et au prix de la délation, pour s’intégrer à la société et sortir de la précarité, telle est la quête, l’idée fixe de Rosetta.

Les frères Dardenne constatent la faillite de la solidarité de classe entre prolétaires dans un monde où chacun doit se battre pour lui-même et contre l’autre, où l’homme est exploité par l’homme.

Par sa solitude et le conflit moral dont elle fait l’expérience Rosetta est une petite sœur de la Mouchette de Bernanos et de Bresson. Nul doute que les frères Dardenne ont pensé à ces illustres modèles en imaginant leur héroïne, qui surmonte à grand peine le désespoir et le découragement par une énergie et une violence hallucinantes. Il n’est pas interdit de trouver dans ce film laïc et matérialiste un écho à la passion de certaines figures de la foi chrétienne, figures de douleur mais aussi de résistance.

Rosetta, c’est aussi et avant tout la naissance sous nos yeux d’une grande actrice à peine âgée de 17 ans au moment du tournage, Emilie Dequenne. Jouer pour la première fois devant la caméra de cinéastes exceptionnels ne veut évidemment pas dire qu’on est une « non professionnelle » et la suite de la carrière d’Emilie Dequenne, qui a confirmé son talent à de nombreuses reprises en travaillant avec d’autres cinéastes et en apparaissant dans des films fort éloignés du style de Rosetta et de l’exigence des frères Dardenne est là pour le démontrer.

 

Rosetta sera aussi disponible en Replay, sur ARTE+7.

 

 

 

 

 

 

 

 

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