Olivier Père

Le Tigre du ciel de Jack Gold

Né en 1930 Jack Gold a fait l’essentiel de sa longue carrière à la télévision mais on lui doit également quelques films de cinéma, parmi lesquels au moins deux titres notables qui lui ont valu une certaine réputation auprès des cinéphiles : le remarquable thriller fantastique La Grande Menace (The Medusa Touch, 1978) et ce Tigre du ciel (Aces High) réalisé deux ans plus tôt et que Studiocanal propose à la vente le 17 mars en DVD et Blu-ray avec d’autres pépites du cinéma britannique.

Si La Grande Menace – l’une des premières productions de Arnon Milchan – s’inscrivait dans le courant du surnaturel et des films catastrophes en vogue à la fin des années 70 pour mettre en scène l’enquête d’un policier (Lino Ventura) sur un homme aux terrifiants pouvoirs plongé dans le coma après une tentative de meurtre sur sa personne (Richard Burton), Le Tigre du ciel est un film de guerre en apparence plus classique sur une garnison de la Royal Flying Corps sur le front français pendant la Première Guerre mondiale. Le film est adapté d’une pièce de théâtre de R.C. Sheriff The Journey’s End créée en 1929 et déjà portée à l’écran par James Whale en 1930 (La Fin du voyage). Dans cette pièce Sheriff racontait son expérience de capitaine pendant la Grande Guerre, au travers d’un personnage d’officier obligé de se saouler pour trouver le courage d’affronter la violence des combats et la claustrophobie de la vie dans les tranchées.

Le film de Jack Gold déplace l’action de la boue des tranchées à un camp d’aviateurs, élude rapidement l’alcoolisme de son protagoniste pour se concentrer sur les notions de lâcheté et d’héroïsme en temps de guerre. Le matériau théâtral d’origine est enrichi par les souvenirs d’un as de l’aviation britannique pendant la Première Guerre mondiale devenu auteur, producteur et réalisateur, Cecil Lewis. Le principal intérêt du Tigre du ciel est de rappeler la condition des aviateurs pendant la Grande Guerre. Les combats aériens étaient de véritables duels à mort et l’espérance de vie des pilotes n’excédait pas en moyenne quinze jours. Les garnisons devaient être reconstituées hebdomadairement avec l’arrivée de jeunes recrues inexpérimentées. Ceux qui parvenaient à survivre plus longtemps et à abattre de nombreux avions du camp adverse ne tardaient pas à devenir des légendes. S’ils paraissaient appartenir à l’aristocratie du corps militaire les aviateurs étaient en fait des morts en sursis condamnés à la régularité de missions suicidaires.

Malcolm McDowell et Christopher Plummer dans Le Tigre du ciel de Jack Gold

Malcolm McDowell et Christopher Plummer dans Le Tigre du ciel de Jack Gold

Le Tigre du ciel enregistre cette attente de la mort, comblée par la monotonie de la vie de garnison, les beuveries et l’impossibilité de nouer des relations amicales avec d’éphémères compagnons d’armes. Les pilotes qui ne trouvaient pas la bravoure dans l’alcool pouvaient simuler la folie pour échapper aux vols, comme dans le film le personnage interprété par Simon Ward. Jack Gold a la bonne idée de délimiter l’action de son film sur une durée de sept jours, qui débute avec l’arrivée au camp d’un jeune pilote frais émoulu de l’école militaire, le lieutenant Stephen Croft (Peter Firth), fier de combattre aux côtés de son idole qui est dans la vie civile le fiancé de sa sœur, le Major John Gresham (Malcolm McDowell, photo en tête de texte). Le Tigre du ciel montre l’esprit de chevalerie qui régnait encore à l’époque entre ennemis, mais aussi le mépris de classe qui subsistait dans les rangs de l’armée britannique, lorsque Gresham réprimande Croft pour avoir partagé un repas avec les ouvriers chargés de l’entretien des avions. L’homosexualité latente entre certains pilotes est subtilement abordée avec le personnage de Sinclair (Christopher Plummer), officier plus âgé surnommé « oncle » et qui se montre particulièrement bienveillant envers le jeune Croft.

Le film bénéficie d’une excellente interprétation et d’une belle photographie de Gerry Fisher célèbre pour sa collaboration avec Joseph Losey. Les scènes de vols sont reconstituées avec un certain brio grâce à une combinaison de cascades, de maquettes et de rétroprojections. Les acteurs n’ayant pas été autorisés à piloter des avions eux-mêmes, Le Tigre du ciel n’atteint pas le degré hallucinant de réalisme et de spectaculaire d’un film comme Les Ailes de William Wellman, référence absolue en matière de combats aériens. Dans la prolifique lignée du film de guerre britannique Le Tigre du ciel est une réussite mais aussi une production fin de race, relativement anachronique à une époque où le genre n’est plus à la mode. Un an après la sortie du film d’autres ballets vertigineux entre chasseurs volants éclipseront les exploits acrobatiques des véritables héros du ciel, ceux des pilotes intergalactiques de La Guerre des étoiles de George Lucas.

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