Toujours dans la formidable collection « les grands classiques du cinéma italien » proposée par Bach Films on peut voir Le Témoin (Il testimone, 1946), le premier long métrage de Pietro Germi. Film plutôt rare et méconnu qui se révèle excellent, déjà très représentatif du talent de Germi et ancré dans une époque, celle de l’immédiate après-guerre en Italie, marquée par des questionnements moraux et un pessimisme foncier. Comme dans Le Bandit et La Proie du désir, précédemment étudiés et réalisés à la même période, la mort est au bout du chemin dans Le Témoin, sa trace imprègne le film. Elle l’est aussi au début, puisque le film commence par le procès du personnage principal accusé de meurtre. L’une des particularités de ce film étonnant consiste à s’intéresser à un crime sans jamais montrer de violence à l’écran, tout en en étudiant, du début à la fin, les conséquences sur la destinée des personnages. Un homme suspecté de meurtre risque la peine de mort en raison d’un témoin à charge de dernière minute. Un vieil employé de bureau prétend en effet avoir aperçu l’accusé non loin du lieu et de l’heure du crime. Mais il s’avère que son bien le plus précieux, une montre à gousset, retardait et annule son témoignage. Le suspect bénéficie d’un non lieu.
L’homme sort de prison, bien décidé à refaire sa vie. Il rencontre une jeune fille pauvre, lui demande de la suivre à la ville et la propose en mariage. Mais le vieil employé réapparait sur son chemin, provoquant son énervement et réveillant en lui une angoisse qui est celle de la culpabilité. La vérité finira par éclater, détruisant le moindre espoir.
Pietro Germi, avant d’accéder à la célébrité internationale avec des comédies sarcastiques qui ne sont pas ses meilleurs films, a signé dans les années 40 et 50 des drames sociaux qui empruntent beaucoup à l’atmosphère du cinéma policier. Traqué dans la ville par exemple est un fleuron du film noir à l’italienne, tandis que Au nom de la loi, sur la mafia sicilienne, est traité comme un western. Dès son premier film, Germi part d’une histoire criminelle pour dresser le portrait moral de l’Italie au sortir de la guerre, entre corruption, misère et volonté de s’absoudre de la décennie fasciste. Le Témoin fut produit par une société spécialisée dans les sujets religieux, ou dans les films accordant une place importante à la spiritualité. Le film de Germi propose en effet un cheminement vers la rédemption, avec les thèmes du pêché et du salut de l’âme. Germi a consacré plusieurs films au monde ouvrier mais il n’était pas d’obédience communiste, plutôt proche de la démocrate-chrétienne, ce qui explique la tonalité du Témoin, qui évoque aussi l’univers étouffant et les études comportementales et psychologiques des romans de Georges Simenon.
Laisser un commentaire