ARTE diffuse dimanche 11 janvier à 20h45 Vol au-dessus d’un nid de coucou (One Flew Over the Cuckoo’s Nest, 1975) de Milos Forman, classique du cinéma américain des années 70 couronné par les cinq principaux Oscars (meilleur film, meilleur metteur en scène, meilleur acteur, meilleur actrice, meilleur scénario adapté d’une œuvre préexistante – ici le roman de Ken Kesey paru en 1962) et un immense succès public.
Transféré d’une prison d’état à un hôpital psychiatrique en raison de son comportement indiscipliné et violent, McMurphy (Jack Nicholson dans l’un de ses plus grands rôles), un détenu aussi asocial que sympathique a vite fait de devenir le leader d’un groupe de malades et d’organiser plusieurs actes de rébellion et de désobéissance, principalement dirigés contre la dureté de l’infirmière chef Ratched (impressionnante Louise Fletcher). Contrairement aux apparences ce célèbre film de Milos Forman ne traite pas de la folie. L’hôpital psychiatrique n’est qu’un décor en huis clos pour mettre en scène une petite communauté humaine et traiter d’au moins deux thèmes qui traversent toute l’œuvre de Forman, d’une grande cohérence malgré son apparente diversité. D’abord le spectacle. Forman s’intéresse aux différentes formes de représentations théâtrales et de la place du spectacle dans la société, comme création artistique mais aussi comme manifestation critique d’un individu ou d’un petit groupe contre les institutions et la collectivité. C’est la raison pour laquelle Forman a souvent filmé des vies d’artistes, de bouffons ou d’entrepreneurs de spectacle, que ce soient des illustres génies (Mozart, Goya) ou des amuseurs publics (Andy Kaufman), en passant par le pornographe Larry Flint et les hippies chantants de Taking Off et Hair. Dans Vol au-dessus d’un nid de coucou McMurphy est un élément perturbateur qui sème le désordre et faisant entrer l’indiscipline et la libido dans l’univers parfaitement contrôlé de l’asile, mais aussi le jeu et la fête, en véritable metteur en scène qui va transformer le réfectoire en petit théâtre contestataire. La scène où McMurphy mime l’excitation d’un téléspectateur devant un match de base-ball – alors que le poste de télévision est éteint, entrainant avec lui les autres patients, est parfaitement emblématique du cinéma de Forman, qui célèbre le pouvoir de l’art et de l’imagination contre l’oppression de l’ordre moral et policier et tous les totalitarismes. Voilà l’autre grand sujet de Forman : la liberté au prix de la vie.
Exilé aux Etats-Unis après la répression du printemps de Prague, Forman connaît les méfaits de la dictature mais aussi les ruses pour se jouer d’elle, avec des chances incertaines de réussite, et le panache de l’insoumission. McMurphy est un metteur en scène, un meneur de troupe mais c’est surtout un électron libre, un esprit frondeur qui ne manque ni d’humour – celui du désespoir – ni d’empathie pour ses compagnons d’infortune. Il est aisé de voir en lui une projection de Milos Forman, qui lutta un temps contre les tracasseries du pouvoir communiste en Tchécoslovaquie où il signa ses premiers films avant de s’adapter – plutôt bien que mal – au système des studios hollywoodiens, avec d’autres batailles pour parvenir à ses fins.
Devant la caméra de Forman l’asile de Vol au-dessus d’un nid de coucou devient la métaphore non pas du goulag, mais de la société tchèque sous le joug communiste, avec le contrôle impitoyable des libertés individuelles et une réglementation bureaucratique aussi absurde que rigide, avec ses « bons » soldats (la terrifiante infirmière Ratched) capables de briser le moindre espoir de réforme ou de désir de transgression en faisant aveuglément respecter la loi et l’ordre.
La diffusion de ce beau film que l’on peut voir et revoir avec émotion sera suivie à 22h55 par le documentaire de Antoine de Gaudemar Il était une fois… Vol au-dessus d’un nid de coucou réalisé en 2011 qui revient sur l’histoire, la réalisation et le triomphe de ce long métrage emblématique du cinéma américain et de l’œuvre de Milos Forman.
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