Olivier Père

Le Secret derrière la porte de Fritz Lang

Carlotta vient de ressortir dans les salles en version restaurée Le Secret derrière la porte (Secret Beyond the Door, 1948) de Fritz Lang, également disponible dans un beau blu-ray grâce à la même société.

Celia Barrett (Joan Bennett), riche héritière, rencontre pendant des vacances à Mexico Mark Lamphere (Michael Redgrave), qu’elle épouse aussitôt.
Mais le soir des noces, son mari la quitte brusquement, sans aucune raison apparente. En arrivant dans la demeure de Mark, la jeune femme va peu à peu se rendre compte que celui qu’elle a épousé est un homme bien étrange, qui vit avec sa sœur et une gouvernante défigurée, et qui lui a caché qu’il était veuf et père d’un jeune garçon… Elle découvre que son mari a également une étrange passion : il collectionne des chambres dans lesquelles des meurtres ont eu lieu. Cependant, l’une de ces pièces est toujours fermée à clé, et le mari refuse d’en parler… Le Secret derrière la porte propose une variation psychanalytique autour du conte de Barbe Bleue, et appartient à une série de films sur les thèmes du crime et de l’inconscient, au cœur de l’œuvre de Lang, mais qui lui avaient inspiré une série de films à Hollywood interprétés par la belle Joan Bennett, également coproductrice de ses trois longs métrages avec Lang : La Femme au portrait, La Rue Rouge et Le Secret derrière la porte, dans lequel l’acteur anglais Michael Redgrave remplace – désavantageusement – Edward G. Robinson. Dans son livre d’entretiens avec Peter Bogdanovich (Fritz Lang en Amérique) le cinéaste précise que le projet du film lui fut apporté par Walter Wanger, alors marié et associé – avec Lang – à Joan Bennett. Lang ne fut jamais satisfait par le scénario qui lorgne un peu trop près sur Rebecca de Alfred Hitchcock en en reprenant les ingrédients principaux, jusqu’à l’atmosphère gothique et le climax final. Titre mineur parmi les films réalisés aux Etats-Unis par Lang, plombé par une vision plutôt simpliste de la psychanalyse, Le Secret derrière la porte n’en demeure pas moins une leçon de mise en scène, avec des moments impressionnants influencés par l’expressionnisme allemand, notamment dans la gestion des espaces intérieurs de la maison de Lamphere – un architecte, Lang étudiera l’architecture dans sa jeunesse – et le rôle des chambres secrètes maniaquement décorées par un homme dévoré par ses névroses.

Nul mieux que Lang mieux sait isoler des éléments de décors ou des motifs visuels pour leur conférer une importance dramatique – ici par exemple une bougie coupée par l’héroïne pour faire en cachette le moule d’une clé, provoquant un déséquilibre dans la décoration d’une chambre – un chandelier plus court d’un côté – que remarquera aussitôt son mari, déstabilisé par cette légère asymétrie. Lang non plus ne plaisantait pas avec la rigueur des cadres et l’agencement des volumes. Ces détails qui n’en sont pas font toute la beauté du film – pas les lourds clichés sur le trauma enfantin du personnage masculin.

De ces motifs décoratifs, de l’incendie final et de Joan Bennett Dario Argento, grand admirateur de Lang – se souviendra dans Suspiria (1977), dans lequel l’actrice américaine interprétera son dernier rôle, après une longue éclipse au cinéma.

 

 

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