Olivier Père

Les Révoltés de l’île du diable de Marius Holst

Il vous reste encore quelques jours pour découvrir en Replay grâce à ARTE+7 l’excellent film norvégien Les Révoltés de l’île du diable (Kongen av Bastøy, 2010) de Marius Holst, l’une des nombreuses preuves de la vitalité du cinéma scandinave contemporain, capables d’apporter un nouveau souffle à des récits historiques et revendiquant leur classicisme avec élégance, portés par une direction artistique et une interprétation de grande qualité. Le film s’inspire d’une histoire vraie : l’insurrection et la tentative d’évasion, le 20 mai 1915, d’une quarantaine d’adolescents détenus dans la maison de redressement de Bastøy, redoutable institution située dans le fjord d’Oslo. Cette révolte sera impitoyablement matée par plus de deux cents fusillés marins armés appuyés d’un cuirassé, de deux hydravions et de deux sous-marins.

Avant de mettre en scène cette explosion de violence, le film montre les conditions épouvantables de vie des jeunes détenus soumis à un régime concentrationnaire. Il débute avec l’arrivée d’un jeune délinquant – il a volé dans un tronc d’église – bientôt obsédé par des plans d’évasion et sa rencontre avec un autre garçon, prisonnier de l’île du diable depuis six ans, qui préfère au contraire attendre sagement sa libération prochaine et subir sans broncher injustices et humiliations. Mais les choses ne se passeront pas comme prévues.

Les Révoltés de l’île du diable s’inscrit dans une tradition fertile de l’histoire du cinéma, celle des récits d’emprisonnement – et donc d’évasion – matériau propice à de formidables épreuves et aventures humaines, dans lesquelles les hommes, dans des situations extrêmes de privations de liberté et d’asservissement, révèlent leur nature profonde. De Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson à L’Evadé d’Alcatraz de Don Siegel, pour ne citer que deux titres célèbres et admirables, les drames carcéraux sont à la fois prétexte à une glorification du courage et de l’esprit de résistance humains, autant que des défis de mise en scène pour les cinéastes qui doivent créer par le cadre et la maîtrise de l’espace une dialectique dehors/dedans, véritable esthétique de l’enfermement. Les films de prisons sont encore plus éprouvants lorsqu’ils mettent en scène des jeunes détenus, ces récits de captivité se transformant en romans de formation pervertis. Ainsi Les Révoltés de l’île du diable renvoie-t-il immanquablement au génial Scum d’Alan Clarke chef-d’œuvre cinématographique et télévisuel – il fut d’abord produit pour le petit écran – et description implacable d’un centre de redressement anglais pour délinquants juvéniles. On pense aussi à Shutter Island de Martin Scorsese avec cette île infernale rendue encore plus inhospitalière par la brutalité des éléments naturels – ici la neige et la glace qui forment les plus terribles des barreaux.

 

Les jeunes prisonniers sont interprétés par des comédiens non professionnels, tous remarquables, tandis que la figure honnie du directeur de Bastøy, hypocrite et cruel revient au grand acteur suédois Stellan Skarsgård. Les Révoltés de l’île du diable est passé injustement inaperçu lors de sa sortie en salles en France, mais il a obtenu un vif succès dans son pays d’origine et a profondément marqué les spectateurs qui l’ont vu au cinéma ou dans des festivals. ARTE vous offre une nouvelle occasion de le découvrir, ne la manquez pas. Nous vous renvoyons aussi à l’étude enthousiaste et fouillée du film sur le blog cinéphile de Jean-Pascal Mattei.

http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/les-revoltes-de-lile-du-diable-la.html?view=mosaic

 

 

 

 

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