Chaque été ARTE propose une programmation « Summer of » autour de la culture populaire du XXème siècle. Cette année nous avons décidé de revisiter les années 90, ses tendances musicales, ses événements sociologiques et historiques et bien sûr son cinéma, avec une programmation de neuf films emblématiques de cette décennie. Coup d’envoi dimanche soir avec la diffusion à 20h45 de Basic Instinct de Paul Verhoeven, plus grand succès d’un cinéaste qui aura indiscutablement marqué les années 90 avec pas moins de quatre films formidables réalisés à Hollywood, Total Recall, Basic Instinct, Showgirls et Starship Troopers.
A l’occasion de ce « Summer of the 90’s » Viriginie Apiou, journaliste à ARTE, revient pour nous sur le cinéma des années 90…
Le cinéma des années 90, qu’est-ce que c’est ?
Réponse : The Big Lebowski (1998) ! Ce film bariolé des frères Coen résume à lui seul la décennie 90, pas toujours compréhensible, d’un mauvais goût merveilleux, « surgissante », inédite et qui en fait trop, comme le cocktail trouble de Lebowski, cocktail dit du Russe Blanc, qui mêle des trucs improbables (vodka, liqueur de café et crème de lait). Explosif jusqu’à l’écœurement. Mais avec du talent !
Melting pot
Ce cocktail 90 est d’abord numérique. Des films hybrides mi-hommes, mi-machines, qui sautent aux yeux. Un cinéma de masse avec des séquences clés entrées dans l’histoire grâce à des effets spéciaux jamais vus. Bienvenue dans l’ère du morphing (Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron) et plus généralement du numérique (Jurassic Park de Steven Spielberg).
TOP 5 chronologique des séquences hors-normes made in the 90’s :
1 Forrest Gump (Tom Hanks) rencontre JFK (Robert Zemeckis, 1994).
2 Des Aliens envahissent la Terre le jour de l’Independance Day (Roland Emmerich, 1996).
3 Le naufrage du Titanic (James Cameron, 1997).
4 Le D-Day reconstitué dans Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan, 1998) de Steven Spielberg.
5 L’univers cyber de Matrix (Lana et Andy Wachowski, 1999).
Carnet rose
Pas seulement technologique, le cinéma 90 fête aussi la naissance d’individualités issues de la génération vidéo club et MTV. A sa tête quatre Beatles américains : Quentin Tarantino (Reservoir Dogs, 1992; Pulp Fiction, 1994), David Fincher (Se7en, 1995; Fight Club, 1999, ), Bryan Singer (Usual Suspects, 1995, sur ARTE le 17 août) et Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, 1997; Magnolia 1999) ; des européens : Jacques Audiard (Regarde les hommes tomber, 1995), Mathieu Kassovitz (La Haine, 1996), Tom Tykwer (Cours, Lola, cours, 1998), et le hongkongais Wong Kar Wai (Nos années sauvages, 1990; Chungking Express, 1994). Ces cinéastes de films de genre imposent une forme cool, sexy, tendue, agitée, un nouveau sens du rythme infernal et tape-à-l’œil pour décrire un monde où, pour vivre ensemble, il ne faut pas se fier aux apparences. La réalité de cette décennie est effectivement beaucoup plus tordue.
A échelle humaine
De genre ou pas, le cinéma 90 naît du monde 90. The Truman show (Peter Weir, 1998, sur ARTE le 3 août) montre que l’univers numérique est un jeu où la Génération 90 (Reality Bites, Ben Stiller, 1995, sur ARTE le 20 juillet) cherche son identité… Ralentir, réfléchir, proposer d’autres visions : Arizona Dream (Emir Kusturica, 1993, sur ARTE le 24 août), Ghost Dog, la voie du samouraï (Jim Jarmusch, 1999, sur ARTE le 17 août), Hana-bi (Takeshi Kitano, 1997), My Own Private Idaho (Gus Van Sant, 1991), La Vie de Jésus (Bruno Dumont, 1998) ou Les Amants du Pont-Neuf (Leos Carax, 1991, sur ARTE en septembre) sont une alternative poétique et chorégraphiée pour filmer une époque pré connectée, qui ne peut plus ignorer ses problèmes.
Sex, videotape and transgression
Car les années 90 ce sont aussi les années SIDA. Faire l’amour c’est s’exposer à mourir des mains couteaux d’Edward aux mains d’argent (Edward Scissorhands, Tim Burton, 1990), ou du pic à glace de Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992, sur ARTE le 20 juillet). Alors on regarde mais on ne touche pas. On fantasme. Beaucoup. Jusqu’au dernier mot de Eyes Wide Shut (Stanley Kubrick, 1998) : « Fuck ». Pour un retour au sexe, à la vie, quand même.
Comédies nouvelles et éternelles
Il faut plus que jamais s’amuser. Alors que les anglo-saxons réussissent une série de comédies pince-sans-rire et intemporelles : Quatre Mariages et un enterrement (Four Weddings and A Funeral, Mike Newell, 1994), Coup de foudre à Notting Hill (Notting Hill, Roger Michell, 1998), The Full Monty (Peter Cattaneo, 1997), Un jour sans fin (Groundhog Day, de Harold Ramis, 1993, sur ARTE le 10 août), le divertissement spécifiquement 90 vient des Allemands qui jouent avec l’Histoire inédite, celle de la chute du mur de Berlin, Good Bye, Lenin! (Wolfgang Becker, 2003, sur ARTE le 27 juillet), ou l’exploration de territoires jusqu’alors peu visités, le Cuba de Buena Vista Social Club (Wim Wenders, 1999, sur ARTE le 10 août).
Virginie Apiou
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