Olivier Père

Mélo de Alain Resnais

Dans le cadre de son hommage à Alain Resnais, disparu le 1er mars, ARTE diffuse ce soir Mélo (1986) à 22h50, après Mon oncle d’Amérique à 20h50. Tous les paradoxes, le goût de l’inattendu et de la surprise – pour lui et le spectateur – de Resnais sont là : le réalisateur phare de la modernité adapte une pièce de boulevard des années 20, écrite par un auteur à succès longtemps jugé démodé, Henry Bernstein. Méprisé par les intellectuels et les élites théâtrales à cause de son succès, attaqué par la presse antisémite et nationaliste, Bernstein était en revanche défendu par André Breton, pour ses pièces mais aussi parce qu’il avait déserté durant son service militaire. Resnais adolescent dans les années 30 a souvent puisé dans ses souvenirs de lecture de jeunesse les sujets de ses films, et l’influence du surréalisme se ressent dans toute son œuvre.

Salué pour son formalisme et ses effets de montage, Resnais réalise au contraire avec Mélo un film minimaliste, respectueux d’une scénographie théâtrale – décors stylisés, histoire centrée autour de trois personnages, le mari, la femme, l’amant – qui privilégie les dialogues et les longs plans. Pourtant ce classicisme de façade, représentatif de la folle diversité des films de Resnais, ne signifie en rien que Resnais s’abandonne aux facilités d’un cinéma conventionnel, et dissimule une richesse thématique aussi subtile et profonde que dans des longs métrages plus monumentaux et cérébraux comme L’Année dernière à Marienbad ou Providence.

Filmer la parole est dans Mélo le principal défi que se lance à lui-même Resnais, grand admirateur de Guitry. Le cinéaste y parvient avec maestria, aidé par des comédiens éblouissants, qui redonnent vie aux dialogues datés mais poétiques de Bernstein. Le long monologue d’André Dussollier, enregistré en gros plan par la caméra de Resnais, parvient à faire ressurgir un événement passé par la seule force évocatrice des mots. La mémoire, mais aussi la maladie, la mort, grands sujets de Resnais, traversent un film d’une élégance et d’une richesse exceptionnelles, qui transcende son sujet central, l’adultère, le couple et la passion amoureuse pour parler d’êtres humaines enfermés dans des conditions confortables en apparence mais qui les font souffrir, en quête de liberté impossible, tentés par la fugue, trouvant refuge dans l’art ou l’exercice de leur travail (ici c’est la même chose, la musique.)

 

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