Olivier Père

Niagara de Henry Hathaway

Depuis le 2 octobre on peut revoir en blu-ray à la vente Niagara (1953) de Henry Hathaway, édité par 20th Century Fox Home Video. Attention « spoiler » : Il s’agit du seul film dans lequel le personnage interprété par Marylin Monroe meurt, assassinée par son mari. Cette scène de meurtre est d’ailleurs très belle. On passe du gros plan de l’étreinte mortelle à une plongée vertigineuse enfermant le corps sans vie de la femme infidèle, réduit à une tache de couleur, dans un cadre géométrique. Trois éléments spectaculaires ont permis à Niagara, sans jamais devenir un véritable classique, de marquer durablement les esprits : la beauté des fameuses chutes, filmées sous les meilleurs angles, avec un final digne d’un film catastrophe ; un Technicolor rutilant, surtout dans le choix des couleurs des robes de MM ; enfin l’actrice elle-même, dont les formes – complaisamment filmées, en particulier le popotin dans de longs plans où elle marche de dos, avec des déhanchements frisant le ridicule mais qui ne passent pas inaperçus auprès de la gent masculine – constituent l’atout le plus explosif du film de Henry Hathaway. Niagara est un drame passionnel paroxystique mâtiné de thriller, réalisé par le solide Hathaway, spécialiste du western et du film noir. Deux tourtereaux sains de corps et d’esprit rencontrent en voyage de noces dans un motel près des Chutes du Niagara leur reflet malade : un homme violent – psychologiquement brisé par la guerre – et une femme – totalement vénale et concupiscente – qui se déchirent et s’autodétruiront. L’épouse qui se fait passer pour une victime ourdit avec la complicité de son amant le projet de tuer son mari, et de jeter le corps dans les chutes. Tous les cinéphiles rêvent du chef-d’œuvre que cette histoire de couples antagonistes écrite par Charles Brackett et Walter Reisch aurait pu donner sous la direction d’Alfred Hitchcock, d’autant plus que le mari névrosé est interprété par le toujours excellent Joseph Cotten (L’Ombre d’un doute). Ce qui ne fait non plus l’ombre d’un doute, c’est que Hitchcock n’aurait jamais pu, ni voulu, filmer MM parce que selon lui « elle portait son sexe sur le visage ». C’est on ne peut plus vrai dans Niagara, où elle joue un rôle de garce très inhabituel pour une actrice qui s’illustra surtout dans l’humour et l’autodérision (Niagara est encadré par deux comédie hawksiennes, Chérie je me sens rajeunie et Les hommes préfèrent les blondes qui allait transformer MM en star planétaire un an plus tard.) Au cinéma la femme fatale de province canonique est certes une autre actrice blonde, la platine Lana Turner dans Le facteur sonne toujours deux fois. Mais Marylin possède toujours ce mélange de vulgarité candide et de fragilité enfantine, même quand elle joue une meurtrière ratée et vicieuse, ce qui crée un certain malaise devant sa performance, à la fois maladroite et troublante. Niagara est peut-être le seul rôle de brune interprétée par la plus blonde des actrices, et on ne peut s’empêcher de penser à une autre beauté incendiaire – et beaucoup plus vénéneuse – en regardant MM dans Niagara : Ava Gardner.

niagara

A noter également que la Cinémathèque française rendra bientôt hommage à Henry Hathaway avec la rétrospective de tous ses films.

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