Olivier Père

Transamerica Express de Arthur Hiller

Swashbuckler Films ressort demain en salles Transamerica Express (Silver Streak, 1976) d’Arthur Hiller. Le cinéma américain n’a pas attendu Brian De Palma pour se livrer à des relectures plus ou moins maniéristes, révérencieuses ou parodiques de l’œuvre d’Alfred Hitchcock. Il y eut d’abord les premiers James Bond de Terence Young qui empruntaient beaucoup à La Mort aux trousses, puis bien sûr les comédies d’espionnage sophistiquées Charade et Arabesque de Stanley Donen qui se présentaient ouvertement comme des pastiches des chefs-d’œuvre d’Hitchcock, ce qui constituait d’ailleurs leur limite. Billy Wilder (Témoin à charge), Blake Edwards (Top secret) et quelques autres se mesurèrent aussi au maître du suspense avec des résultats parfois admirables (Top secret est le chef-d’œuvre inconnu du cinéaste de La Panthère rose.)

Transamerica Express est une comédie policière écrite par Colin Higgins et mise en scène par Arthur Hiller qui rend hommage avec plus de modestie que Donen mais aussi beaucoup d’efficacité aux thrillers d’Hitchcock, notamment Une femme disparaît et L’Inconnu du Nord Express (pour le décor du train, l’escamotage d’un personnage et les mauvaises rencontres) mais surtout La Mort aux trousses avec son héros ordinaire embarqué malgré lui dans une aventure rocambolesque, avec ce mélange de sexe et de danger qui faisait le piment des films d’Hitchcock interprétés par Cary Grant (Soupçons, Les Enchaînés, La Mort aux trousses, La Main au collet.)

Pendant un trajet en train entre Chicago et Los Angeles, un éditeur timoré qui a choisi ce moyen de transport parce qu’il déteste l’avion rencontre l’amour en la personne d’une séduisante voyageuse. Sur le point de conclure dans un wagon couchette, il est interrompu par la vision fugace d’un cadavre expulsé par la fenêtre. Incapable de fournir des preuves aux autorités, il se retrouve poursuivi par des gangsters et suspecté par la police, à l’intérieur et à l’extérieur du train.

Transamerica Express ne sombre jamais dans la parodie, et traite sérieusement, du moins dans sa première partie (avant l’apparition de Richard Pryor en comparse humoristique du héros) un ressort dramatique souvent mis en scène par Hitchcock : le faux coupable et le témoin que personne ne croit. Ici la drôlerie vient du décalage entre le héros hitchcockien classique et l’interprète de Transamerica Express, Gene Wilder, devenu une vedette grâce à ses rôles chez Mel Brooks (qui allait un an plus tard réaliser son propre pastiche hitchcockien, le navrant Grand Frisson.) Gene Wilder est physiquement une parodie de Cary Grant ou James Stewart, dépourvu de leur pouvoir de séduction mais expert en maladresses, gaffes et quiproquos. Transamerica Express est représentatif d’une période hollywoodienne débarrassée de tout glamour, où les nouvelles stars viennent de la télévision, du cabaret ou du cinéma indépendant. Un virage trivial emprunté par Hitchcock lui-même dans son dernier film Complot de famille, exact contemporain de Transamerica Express.

L’irruption du personnage joué par Richard Pryor, alors vedette de stand up extrêmement populaire dans la communauté noire, célèbre pour ses provocations verbales, est l’autre originalité de Transamerica Express. Il s’agit de son premier grand rôle dans une grosse production. Pryor fait basculer le film dans la bouffonnerie et l’irrévérence, par sa manière unique d’interpréter ce petit voleur, sympathique et décontracté, allié providentiel de Gene Wilder : le bourgeois et le prolétaire, le blanc et le noir, le timide et le baratineur… Le couple Wilder-Pryor fonctionne si bien qu’il se reformera dans d’autres comédies la décennie suivante, sans obtenir le même succès.

Gene Wilder et Richard Pryor

Gene Wilder et Richard Pryor

La scène drolatique où Pryor grime Wilder en noir pour leur permettre d’échapper à un contrôle de police, et lui explique en quelques minutes comment se faire passer pour un « frère » est presque un document d’époque, aujourd’hui impensable dans un film de studio, pour cause de « politiquement correct », y compris dans un scénario au message ouvertement démocrate.

Derniers éléments notables de cet agréable divertissement qui fut un gros succès au box-office, ses cascades acrobatiques – sur terre, sur rails et dans les airs – héritées des classiques burlesques du muet et sa scène finale empruntée au cinéma catastrophe, un genre alors en vogue à Hollywood. Rien ne manquait pour faire de Transamerica Express l’un des films les plus populaires de l’année 76, et une bouffée de nostalgie pour les spectateurs de 2013.

 

 

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