Olivier Père

Bright Star de Jane Campion

Dans le cadre de sa programmation spéciale Festival de Cannes ARTE diffuse ce soir à 20h45 Bright Star de Jane Campion, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes en 2009. Le film était reparti bredouille mais cela ne nous empêche pas de penser que c’est sans doute le meilleur film de la réalisatrice à ce jour, une sorte de chef-d’œuvre qui réussit à filmer le passé au présent en évitant tous les écueils de la reconstitution historique ou du pensum littéraire.

Bright Star

Bright Star

Un cliché tenace veut que les films à costumes soient forcément académiques : rien de plus faux si l’on étudie de près les meilleurs d’entre eux – Barry Lyndon de Kubrick par exemple – ou ce Bright Star pour lequel Jane Campion trouve une forme propice à relater l’histoire d’amour, à la fois chaste et passionnelle, entre le poète romantique John Keats et sa voisine Fanny Brawne, dans la campagne londonienne de 1818.

« La poésie de Keats a inspiré toute la structure de l’histoire du film. Certains de ses poèmes ont été écrits sous forme d’odes, d’autres sous celle de ballades, et je me suis mise à réfléchir à l’histoire de Fanny et de John comme à une ballade, une sorte de poème narratif » déclarait Jane Campion au moment de la sortie de Bright Star.

La modernité du film est bien là, au-delà du raffinement inouï des décors et des costumes reproduits à la perfection. D’abord parce que le film raconte une histoire vraie mettant en scène une figure importante de la littérature anglo-saxonne, mais cet épisode intime est suffisamment méconnu voire ignoré des manuels pour permettre un réel déploiement romanesque et explorer les sentiments et la relation de John et Fanny, sans obligations ni devoirs historiques

Ensuite par la grâce de ses deux comédiens principaux, les jeunes et graciles Ben Whishaw et Abbie Cornish, découverts à l’occasion de Bright Star et qu’on a depuis revu dans de nombreuses productions hélas plus commerciales et moins réussies où ils ne nous ont pas procuré le même plaisir. Abbie Cornish est particulièrement épatante, en jeune fille élégante, effrontée et éperdument idéaliste et romantique, victime d’un premier amour trop fort et sans issue pour un être d’exception, à la fois voisin et inaccessible. La jeune actrice australienne est magnifique et nous rappelle que ce lointain pays nous a offert les superbes Nicole Kidman (elle aussi très bien mise en scène par Campion dans Portrait de femme) et Naomi Watts (bien que née en Angleterre).

Enfin Campion réussit son pari difficile de mettre en scène la poésie de Keats, non pas dans les scènes obligées et souvent ridicules de affres de la création d’un artiste maudit, mais dans l’expression de cette poésie à l’écran, qu’elle passe par les mots (poèmes récités avec grâce) ou par les images (subtiles équivalences saisonnières et paysagères des écrits du poète romantique.)

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