La Femme d’à côté (1981) avant-dernier film de François Truffaut est diffusé ce soir sur ARTE à 20h50. C’est l’un des plus beaux films du cinéaste français, qui s’inscrit dans un courant secret et intime de son œuvre : La Peau douce, La Sirène du Mississippi, Les Deux Anglaises et le Continent, L’homme qui aimait les femmes, La Chambre verte… Rarement ses titres les plus populaires, souvent des échecs critiques et publics au moment de leurs sorties, et pourtant c’est grâce à ces films que le cinéma de Truffaut est toujours aussi précieux aujourd’hui.
La Femme d’à côté est un film sur la passion amoureuse, thème régulièrement abordé par Truffaut, poussé ici à son incandescence. Le cinéaste pensait depuis longtemps à cette histoire, mais il attendait un déclic pour la réaliser. Le déclic, ce furent Gérard Depardieu (au sortir du Dernier Métro) et Fanny Ardant, deux acteurs qu’il aimait et qu’il souhaitait réunir à l’écran pour la première fois. L’alchimie fonctionne et c’est en effet un beau couple de cinéma. Ce qui frappe en revoyant La Femme d’à côté c’est la vitesse du récit, l’enchaînement inexorable des situations qui vont conduire à une conclusion tragique. C’est la leçon hitchcockienne de toujours maintenir l’attention en créant du suspens, ce mélange d’événements inattendus et d’autres guettés par le spectateur.
Truffaut décida en cours de tournage d’étoffer le personnage de Madame Jouve (Véronique Silver) qui est à la fois la narratrice, l’observatrice du drame qui va se jouer dans la paisible campagne de Grenoble, mais également sa commentatrice. Madame Jouve connut elle aussi dans sa jeunesse une passion à l’issue malheureuse et son histoire apparaît en écho et en contrepoint à celle des amants impossibles. « Un film d’amour qui fait peur » a dit un jour Depardieu, absolument magnifique, à propos de La Femme d’à côté. C’est aussi un film d’amour qui fait mal et frappe juste, dans ses dialogues et ses scènes. Inoubliables scènes où les deux amants perdent le contrôle de leurs corps, victimes de malaises ou de crises de violence, ou s’abandonnent dans des étreintes désespérées. Truffaut sait visiblement de quoi il parle. Il filme au plus près de la vérité sans se départir de son goût du romanesque, sans oublier ce discret fétichisme érotomane qui marque sa manière de filmer les vêtements et les corps féminins. Rares sont les œuvres cinématographiques aussi justes et émouvantes sur la passion destructrice, ce qui explique que La Femme d’à côté soit devenu un film de chevet pour les cinéphiles, et les autres. Il suffit d’avoir aimé, il suffit d’avoir souffert.
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