Olivier Père

Rétrospective Tay Garnett à la Cinémathèque française

A partir du 13 mars et jusqu’au 29 avril on pourra voir ou revoir tous les films (ou presque) du cinéaste américain Tay Garnett, l’un des aventuriers du cinéma hollywoodien avec Wellman, Walsh ou Fleming. Excellente initiative de la Cinémathèque française qui permettra de découvrir un réalisateur dont la filmographie est demeurée méconnue et peu étudiée en France, à l’exception de deux ou trois titres. Je sais de quoi je parle puisque j’avoue n’avoir vu que deux films de Tay Garnett (ses plus célèbres titres, Voyage sans retour et Le facteur sonne toujours deux fois) mais ils sont fort beaux et cela donne envie de voir les autres. Même s’il a œuvré dans presque tous les genres et pour des studios différents, Garnett vient du cinéma comique muet (il a été scénariste et gagman pour Hal Roach, Mack Sennett, Stan Laurel, Frank Capra et le génial Harry Langdon entre autres) et n’a jamais caché son goût pour l’humour sous toutes ses formes : burlesque, slapstick, grosse rigolade, truculence ou comédie sentimentale. Dans sa présentation vidéo du cycle sur le site de la Cinémathèque française Jean-François Rauger souligne que cette approche humoristique est vraie y compris pour des sujets a priori dramatiques. C’est le cas du mélodrame Voyage sans retour (One Way Passage, 1932) qui a la particularité d’être un chef-d’œuvre de poésie et de fantaisie sur un sujet pourtant tragique et lacrymal. Un homme et une femme se rencontrent sur un paquebot et tombent amoureux. Ils n’osent se dire qu’ils se savent tous les deux condamnés et qu’ils se quitteront définitivement dès la fin de la croisière. Lui a rendez-vous avec la chaise électrique, elle est atteinte d’une maladie incurable et ses jours sont comptés. Voyage sans retour fait partie des films hollywoodiens des années trente adulés par les surréalistes français, à l’instar de Peter Ibbetson d’Henry Hathaway, car il célèbre le triomphe des amants maudits au-delà de la mort, véritable hymne à l’amour fou.

Voyage sans retour

Voyage sans retour

Il existe cependant au moins un film de Garnett qui n’a pas grand chose de sentimental ou de comique. Produit par la MGM, société dont le nom est plutôt associé aux mélodrames sirupeux, Le facteur sonne toujours deux fois (The Postman Always Rings Twice, 1946, photo en tête de texte) est pourtant devenu un classique instantané du film noir. Cette histoire d’amants maudits auxquels le meurtre du mari portera la poisse, adapté d’un roman de James M. Cain, avait été préalablement filmée en France par Pierre Chenal (Le Dernier Tournant, 1939) et en Italie par Luchino Visconti (Ossessione, 1943). La médiocre version de Bob Rafelson en 1981 ne possède qu’un intérêt érotique limité. De retour sur sa terre natale, le récit original ne perd pas de sa noirceur. Un employé de snack-bar tombe amoureux de la femme de son patron. Sous l’emprise de celle-ci, et avec sa complicité, il assassine le mari et maquille son crime en accident. Les amants se marient, mais la justice les rattrapera, sous la forme d’un cruel tour du destin. On retrouve dans Le facteur sonne toujours deux fois, au-delà de l’atmosphère sordide, la description d’une passion véritable et tragique qui unit un homme et une femme comme dans Voyage sans retour. Si le film accuse aujourd’hui le poids des années et que son lyrisme paraît un peu démodé, le couple formé par John Garfield et Lana Turner lui a assuré une réputation mythique qui ne s’est jamais démentie. Actrice au talent très limité, Lana Turner compose une femme amoureuse et vénale, aux aspirations bourgeoises, qui porte le sexe non pas sur sa figure mais sur sa garde-robe, très suggestive : entièrement vêtue de blanc du début à la fin du film – sauf aux funérailles de son mari – elle trouble le viril Garfield avec son mini short immaculé et ses chemisiers moulants. Le fétichisme vestimentaire hollywoodien à son apogée.

 

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