Olivier Père

Nevada Smith de Henry Hathaway

ARTE diffuse ce soir à 20h50 un titre célèbre du western : Nevada Smith (1966) dont la popularité ne s’est jamais démentie auprès des admirateurs de Steve McQueen et du genre américain par excellence. Ce sont souvent les mêmes et ils sont nombreux. Un jeune métis, Max Brand, décide de venger ses parents torturés et assassinés par trois bandits, et met soigneusement son plan à exécution. Il retrouve et tue le premier, un pervers habile au couteau, rate volontairement un vol de banque afin de se faire emprisonner dans le même pénitencier que le second, et intègre la bande du troisième, sous une fausse identité. Les trois crapules sont interprétées par trois acteurs du cinéma hollywoodien qu’on a toujours plaisir à retrouver : Martin Landau, Arthur Kennedy et Karl Malden.

La quête vengeresse de Max Brand sera ponctuée de rencontres apaisantes qui vont tenter de le persuader d’abandonner son désir de mort : un aventurier qui lui prodiguera des conseils pour survivre, une jeune femme rencontrée en prison et qui l’aidera à s’échapper, un prêtre d’origine italienne (Raf Vallone) qui soignera ses blessures et lui offrira une Bible. Ces deux derniers personnages confèrent une orientation clairement chrétienne au film. Max souligne l’ambigüité de la Bible et du christianisme vis-à-vis de la loi du Talion (« œil pour œil, dent pour dent ») mais finira par renoncer à la violence et à appliquer le premier des commandements : « tu ne tueras point ».

Sans vouloir ni pouvoir revendiquer la valeur d’œuvre testamentaire, Nevada Smith est pourtant un film conclusif dans la longue carrière d’Henry Hathaway. D’abord parce que Nevada Smith traite de la vengeance, un thème régulièrement abordé par Hathaway dans ses westerns et ses films policiers, souvent sous l’angle familial. Ensuite parce qu’il s’agit de l’un des derniers efforts du cinéaste dans le domaine du western, entré à l’époque dans une période de déclin. On produit moins de westerns dans les années 60 à Hollywood et les stars du genre, John Wayne en tête, sont vieillissantes. Les films sont plus longs et plus languissants, ils ont perdu de leur énergie malgré des sursauts de sadisme et de cruauté comme on en retrouve dans le western d’Hathaway, cinéaste de la violence. Steve McQueen, 36 ans au moment du tournage, est certes trop âgé pour le rôle de Max Brand et pas forcément crédible en sang-mêlé mais son charisme viril et son jeu introverti apportent une certaine modernité au classicisme dégradé de l’ensemble.

Voici un film dont le titre est assez incompréhensible. Le nom du héros incarné par Steve McQueen est Max Brand. Il utilise le pseudonyme de Nevada Smith uniquement dans le dernier tiers du film, et dans une seule scène, pour tromper son ennemi (Karl Malden) qui a des soupçons sur sa véritable identité. De plus, l’action du film se déroule en Californie, durant la ruée vers l’or… Mystère…

Une autre anomalie concerne les crédits du générique qui affirment que Nevada Smith est adapté de The Carpetbaggers, best seller de l’écrivain Harold Robbins déjà porté à l’écran deux ans auparavant par Edward Dmytryk (Les Ambitieux, écrit par le même scénariste John Michael Hayes.) The Carpetbaggers est un roman inspiré de la vie du milliardaire Howard Hugues et se déroulant dans le Hollywood des années 30. Quel rapport avec notre western ?

Les Ambitieux et Nevada Smith sont produits par Joseph E. Levine, propriétaire de salles et distributeur qui fit fortune en sortant sur le territoire américain des péplums italiens avant de devenir producteur de films à succès réalisés aux Etats-Unis et en Europe. Levine qui détenait les droits du roman a sans doute voulu exploiter un filon très lucratif. Nevada Smith est en fait un « prequel » et un « spin-off » du roman et illustre la jeunesse d’un personnage secondaire de l’ouvrage de Robbins, un certain Nevada Smith, cow-boy qui dans Les Ambitieux sert de consultant sur le tournage d’un western. Il est interprété dans le film de Dmytryk par Alan Ladd, dont c’est le dernier rôle. Quant à l’aventurier Jonas Cord (Brian Keith) dans Nevada Smith, on comprend qu’il s’agit du père de Jonas Cord Jr, le jeune milliardaire interprété par George Peppard dans Les Ambitieux. Tout se tient !

Nevada Smith

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