Olivier Père

Berlinale 2013 Day 7 : Ours d’or d’honneur à Claude Lanzmann

Le Festival de Berlin remet un Ours d’or d’honneur à Claude Lanzmann pour l’ensemble de son œuvre et montre à cette occasion tous ses films. C’est Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures (2001) qui sera projeté après la cérémonie. Né en 1925 à Bois-Colombes, résistant à l’âge de 18 ans, Claude Lanzmann est philosophe, journaliste, écrivain, directeur de la revue Les Temps Modernes. Il est aussi cinéaste. A partir de 1970 Claude Lanzmann se consacre au cinéma. Pourquoi Israël (1973) est suivi d’un film évènementiel par sa durée (9h30) et son approche de l’extermination des Juifs par les Nazis durant la Seconde Guerre mondiale : Shoah (1985). Plus de dix ans de travail pour aboutir à une œuvre majeure du cinéma et de la réflexion sur l’Histoire qui sans aucune image d’archives ni commentaire, seulement des témoignages, fait revivre le voyage des Juifs européens vers la mort. Claude Lanzmann est aussi l’auteur d’un chef-d’œuvre littéraire, Le Lièvre de Patagonie (2009, Gallimard), le récit autobiographie mais tellement romanesque d’une vie au mille vies, celles d’un intellectuel qui a traversé le XXème siècle avec un rapport passionnant au temps, à l’engagement, à l’aventure et à l’histoire et mené de nombreux combats, contre la peine de mort et l’antisémitisme, notamment.

Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures évoque la révolte des prisonniers du camp d’extermination de Sobibór, qui éclata à l’heure exacte mentionnée dans le titre, lorsque le prisonnier Yehuda Lerner, alors âgé de seize ans, fendit le crâne d’un officier allemand à la stature colossale d’un coup de hache.

Ce documentaire est composé d’un mélange de prises de vues de situation tournées en 2001 et de l’interview de Yehuda Lerner réalisée en 1979, à l’époque où Lanzmann tournait Shoah. Mais cet entretien et le récit de Lerner étaient si extraordinaires que le cinéaste décida de ne pas les intégrer à Shoah et de leur consacrer un film à part plusieurs années plus tard.

Yehuda Lerner raconte son histoire de prisonnier juif, adolescent lors des faits, qui va s’évader de plusieurs camps et toujours être repris, puis se retrouver au sein d’un groupe de prisonniers de l’Armée rouge.

C’est ce groupe qui fomentera la révolte dont le point d’orgue est l’assassinat simultané d’officiers nazis à une date et une heure précise dans plusieurs points du camp de Sobibór (d’où le titre du film).
Cette opération permettra l’évasion de centaines de prisonniers, et entraînera le massacre des prisonniers ne s’étant pas enfuis et la destruction du camp par les nazis peu de temps après.

Lerner dit qu’il n’avait jamais tué avant la révolte de Sobibór, mais qu’il a accompli cet acte avec une précision, une rapidité et un sang-froid de professionnel. Il raconte qu’après son évasion, épuisé, il s’évanouira dans une forêt. « C’est trop beau, on arrête là » dit la voix de Lanzmann, hors-champ. Ensuite c’est une lecture interminable des listes du nombre de Juifs assassinés dans les camps en Pologne. Lanzmann a voulu montrer dans Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures, avec l’évocation de la seule révolte réussie dans un camp d’extermination, la réappropriation de la violence par les Juifs, deux ans avant la fin de la guerre, contre l’idée reçue que les Juifs s’étaient laissés massacrer par les Nazis sans jamais résister.

Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures

Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures

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