Deux jeunes cinéastes dont les précédents travaux ont été remarqués et appréciés à leur juste valeur et un auteur en grande forme qui compte parmi les réalisateurs les plus passionnants de ces trente dernières années, voici donc le beau tiercé du comité de sélection d’Arte France Cinéma qui s’est tenu le 15 janvier et a choisi de soutenir – à l’unanimité – trois projets formidables : Mercuriales de Virgil Vernier, L’Institutrice de Nadav Lapid et Pasolini d’Abel Ferrara.
Le Français Virgil Vernier a déjà signé ou cosigné plusieurs documentaires, courts et moyens métrages salués dans de nombreux festivals : Commissariat (2009) réalisé avec Ilan Klipper, Thermidor (Quinzaine des Réalisateurs 2009), Pandore (2010) et Orléans, découvert au Festival del film Locarno l’année dernière et qui sortira en salles le 1er mai prochain (on y reviendra.) Mercuriales, le vrai premier long métrage de Virgil Vernier, est le projet auquel il pense depuis longtemps, et il considère tous ses précédents ouvrages comme des esquisses et des croquis qui lui ont permis de mettre au point des méthodes de travail qui lui sont propres (longues périodes d’enquêtes et de repérages), de développer des idées et des préoccupations tout aussi singulières.
Les Mercuriales sont ces deux tours jumelles situées Porte de Bagnolet. Dans la banlieue parisienne elles ressemblent à un ersatz du World Trade Center (même architecture orgueilleuse) et évoquent des totems d’une grandeur déchue, symboles de la crise avec leurs bureaux vides et leurs environs déserts. C’est dans ce paysage urbain qu’évolueront les trois héros du film, deux filles et un garçon d’une vingtaine d’années dont les rêves et les illusions se heurtent à la réalité de la société française d’aujourd’hui. Comme à son habitude Virgil Vernier souhaite confier ces trois rôles à des comédiens non professionnels et envisage de tourner en 16mm, pour rompre avec une esthétique et une imagerie numériques contemporaines et donner une dimension intemporelle, mythologique à Mercuriales. Son producteur est Jean-Christophe Reymond (Kazak Productions), déjà complice des précédents films de Virgil Vernier.
L’Institutrice (The Kindergarden Teacher, titre français provisoire) est le second long métrage du réalisateur israélien Nadav Lapid, après le moyen métrage La Petite Amie d’Emile (Ha-Chavera Shell Emile, 2006) découvert à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes et Le Policier (Hashoter, 2011), Prix du Jury du Festival del film Locarno et Prix du Public du Festival des Trois Continents de Nantes. On a suffisamment commenté et admiré dans ces colonnes Le Policier, sorti en France le 28 mars 2012 pour ne pas y revenir ici, mais le scénario remarquable de L’Institutrice apporte une preuve supplémentaire du talent, de l’ambition et de la maîtrise précoce du jeune écrivain et cinéaste Nadav Lapid. L’Institutrice aborde les mêmes thèmes que Le Policier (idéalisme, révolte, folie et résistance) mais d’une manière beaucoup plus dramatique, romanesque et universelle. Le film est coproduit par Pie Films (Israel) et Haut et Court (France).
Inutile de rappeler ici les films et la carrière d’Abel Ferrara (photo en tête de texte). Disons simplement que le génial cinéaste new yorkais, provisoirement installé entre Paris et Rome, ose enfin s’attaquer à une figure qui hante son cinéma depuis ses débuts dans l’underground sauvage des années 80 : Pier Paolo Pasolini, à la fois écrivain, poète, cinéaste et citoyen engagé. La nouvelle de ce scénario était à la fois terriblement excitante et frappée du sceau de l’évidence. Ferrara mieux que quiconque pouvait évoquer Pasolini sans sombrer dans le folklore, l’hommage ou la commémoration. Le projet impressionne par le sentiment d’urgence et de vérité qui s’en dégage. Le récit de la dernière journée de la vie de Pasolini, le 2 novembre 1975, du doublage de Salò ou les 120 journées de Sodome jusqu’à son assassinat la nuit sur la plage d’Ostie fascine par l’intelligence, l’empathie et la compréhension intimes de Ferrara pour l’artiste italien.
Pier Paolo Pasolini sera interprété par Willem Dafoe, véritable double cinématographique d’Abel Ferrara depuis Go Go Tales et 4h44 dernier jour sur terre. Une raison supplémentaire pour attendre avec impatience cette coproduction franco-italienne de Capricci films, tournée en italien, à Rome.
Les tournages de ces trois films sont prévus cet été. Arte France Cinéma aura l’occasion de vous tenir informés sur ces trois projets (et aussi sur les autres, déjà tournés ou à venir) à de nombreuses occasions, en les accompagnant des premières prises de vues jusqu’à leur diffusion à l’antenne d’Arte, en passant bien sûr par leurs présentations en festivals et leurs sorties en salles. A suivre…
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