Jack Torrance, un écrivain en mal d’inspiration, sa femme et son fils s’installent pour l’hiver dans un immense hôtel perdu dans les montages du Colorado, l’Overlock. Le jeune garçon, doué de pouvoirs médiumniques, détecte la présence de fantômes dans la résidence, construite sur un cimetière indien, et théâtre par le passé d’un horrible drame. Les spectres ne tardent pas à entrer en contact avec Jack, qui va sombrer dans la démence meurtrière. Shining (The Shining, 1980) est un film génial d’une richesse et d’une profondeur vertigineuses. Kubrick s’empare d’un banal roman d’horreur de Stephen King pour disséquer en vase clos le couple, la folie et l’impuissance créatrice, mais aussi toute la violence de l’humanité, de ses origines jusqu’aux génocides du XIXème et XXème siècles. En perpétuelle recherche d’expérimentations techniques, Kubrick décide, après les éclairages à la bougie de Barry Lyndon, d’utiliser la steadicam, une caméra fixée sur harnais qui permet des mouvements d’une fluidité inédite, notamment lors de la poursuite finale dans le labyrinthe enneigé. La steadicam sera ensuite employée à tort ou à raison dans de nombreux autres films, mais jamais de façon aussi impressionnante que dans Shining. En exigeant de Jack Nicholson et Shelley Duvall un jeu outré et grimaçant, Kubrick systématise son travail sur le visage humain transformé en masque, et explore les mécanismes de la peur et de la barbarie. Attendu comme le film d’horreur définitif, Shining fut mal compris au moment de sa sortie. Malgré les visions cauchemardesques qui parsèment le récit, et la convocation de différents folklores ancestraux et modernes du fantastique, Kubrick transcende une nouvelle fois les frontières du cinéma de genre et signe une œuvre cérébrale, effroyablement pessimiste.
Ci-dessous une carte de vœux un peu particulière (d’époque ou plus récente ? Le mystère reste entier) envoyée par le cinéaste américain Rodney Ascher qui a consacré l’année dernière un essai documentaire saisissant à Shining, Room 237 qui analyse et décortique le film de Kubrick pour en saisir les secrets et aussi pour inventorier toutes les interprétations, brillantes ou délirantes, qu’il a pu susciter depuis 1980. On espère que Room 237 trouvera bientôt le chemin de salles françaises après son passage remarqué à la Quinzaine des réalisateurs.
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