Arte inaugure ce soir à 22h25 un grand cycle consacré à Tim Burton avec la diffusion de Ed Wood (1994), devenu un classique du cinéma sur le cinéma depuis sa présentation au Festival de Cannes en compétition officielle. Six autres longs métrages suivront, et aussi deux courts, Vincent (1982) et Frankenweenie (1984) qui comptent parmi ce que Tim Burton a fait de mieux.
Nul doute que Tim Burton se souviendra de sa relation amicale avec Vincent Price lorsqu’il filmera celle, plus pathétique mais tout aussi intense, qui unit le jeune Ed Wood et son idole Bela Lugosi, l’inoubliable Dracula des années 30 ayant sombré dans l’oubli et la drogue vingt ans plus tard. Ed Wood est à ce jour le chef-d’œuvre de Tim Burton, un projet qui entre les mains d’un amoureux sincère du cinéma et de ses artisans les plus obscurs ou maladroits évite tous les pièges de son sujet.
Edward D. Wood Jr fut entre 1953 et 1971 le réalisateur malchanceux de séries Z mises en scène en dépit du bon sens, avec un manque de moyens et de professionnalisme inversement proportionnels à l’enthousiasme et à la passion de leur auteur. Mort dans la pauvreté et l’anonymat, au terme d’une carrière absolument ratée, Ed Wood connut une gloire posthume en étant élu « plus mauvais réalisateur de tous les temps », et ses films Glen or Glenda et Plan Nine From Outer Space devinrent l’objet d’un culte fervent chez les amateurs de nanars. On peut déceler dans les films d’Ed Wood une forme naïve d’art brut, mais c’est hélas au nom du kitsch et de la dérision débile que ses films sont devenus célèbres. Tim Burton refuse de rire avec les petits malins de la cinéphagie déviante et son film élude toute forme de moquerie ou de cynisme. Ed Wood, dans cette biographie réinventée qui ne recherche pas l’exactitude mais la vérité, devient l’archétype de l’artiste prêt à surmonter tous les obstacles pour réaliser ses rêves. Pour la première fois les contingences du réel entre en jeu dans le monde de Tim Burton, même si celui-ci oriente son film vers le conte de fée (la rencontre avec Orson Welles, l’apothéose finale et fantasmée) et élude la dimension sordide de la vie du vrai Ed Wood. Ed Wood est une biographie en forme d’autoportrait, un hommage à un cinéaste incompétent et honnête, un homme sympathique et cinglé, travesti et hétérosexuel, à la tête d’une troupe de tocards et de farfelus tout aussi émouvants. Sur le plan artistique Ed Wood, tourné en noir et blanc, est une réussite absolue. Le moindre comédien est parfait (y compris Johnny Depp peut-être dans son meilleur rôle) et Martin Landau dans le rôle de Bela Lugosi livre une composition inoubliable.
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