Olivier Père

Rétrospective Naomi Kawase à la Cinémathèque française

Naomi Kawase par Chiara Mirelli, Festival del film Locarno 2012

Naomi Kawase par Chiara Mirelli, Festival del film Locarno 2012

Depuis le 17 octobre et jusqu’au 12 novembre la Cinémathèque française salue l’œuvre d’une des plus importantes cinéastes contemporaines en montrant tous les films de Naomi Kawase. Sa filmographie se divise en œuvres de fiction et en documentaires, parmi lesquels une série d’essais qui constitue la part la plus intime de son travail. Très proche du journal filmé, Naomi Kawase invente littéralement une forme inédite pour se raconter, et l’autobiographie n’a jamais été aussi universelle.

Suzaku

Suzaku

Naomi Kawase réalise son premier long métrage de fiction en 1997, Suzaku (Moe no suzaku), découvert à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes et couronné par la Caméra d’or. Ce film magnifique explore déjà les thèmes que l’on retrouvera dans ses autres fictions et parfois ses documentaires : le rapport entre la modernité et les traditions ancestrales du Japon, une forme de religion – ou de spiritualité – de la nature qui pourrait se rapprocher du shintoïsme, mais surtout des interrogations philosophiques sur la transmission et le sens de la vie qui la poussent aussi et surtout à s’intéresser aux liens familiaux ou amoureux entre les hommes et les femmes. Suivront – pour la partie fiction – Hotaru (découvert à Locarno en 2000), Shara (à Cannes en 2003, film génial). En 2007 le très beau La Forêt de Mogari (Mogari no mori) remporte le Grand Prix du jury au Festival de Cannes.

Shara

Shara

Après un film raté tourné en Thaïlande avec Grégoire Colin (Nanayomachi, 2008) elle est de nouveau en compétition à Cannes en 2011 avec Hanezu, l’esprit des montagnes (Hanezu no tsuki) qui est sorti cette année en France (pas encore vu.)

Naomi Kawase est née à Nara, dans la région de Kansai, proche de Kyoto. Nara fut la première capitale du Japon au VIIIe siècle. Cette ville qui symbolise un Japon plus rural et traditionnel est encore une source d’inspiration pour la réalisatrice, qui organise chaque année un festival de cinéma dans la ville. Elle y a tourné la plupart de ses films, comme Suzaku et La Forêt de Mogariqui frappèrent les spectateurs par la beauté sauvage ou domestiquée de leurs paysages de montagnes.

La Forêt de Mogari

La Forêt de Mogari

Naomi Kawase a été régulièrement invitée – et primée – à Locarno où, hormis Hotaru, ont surtout été projetés ses documentaires, comme La Danse des souvenirs (Tsuioku no dansu, 2003) et Naissance et Maternité (Tarachime, 2006), présenté à Locarno.
Cette année, nous l’avions accueilli pour la première mondiale de Chiri (dans la section fuori concorso), ultime volet de ce sous-ensemble de cinq moyens métrages consacrés à sa relation avec sa mère nourricière, Uno Kawase.

Chiri

Chiri

Naomi Kawase n’a pas été élevée par ses parents biologiques. La tante et l’oncle de sa mère n’ayant pas d’enfant, elle leur a été confiée peu après sa naissance alors qu’ils avaient déjà 65 ans. Chiri est une étude attentive de la fin de la vie de sa mère nourricière à l’âge de 95 ans. Filmant avec beaucoup de tendresse le quotidien de cette mère qui vit hors de son temps et dont la fin approche irrémédiablement, Naomi Kawase revient sur les thèmes fondamentaux de ses propres films. Ce film bouleversant dans lequel Naomi Kawase accompagne jusqu’à la mort la femme qui l’a élevé et qu’elle a le plus aimé est la conclusion d’un travail commencé avec Dans ses bras (Ni tsutsumarete, 1992) son tout premier film où, faisant fi des conseils de Uno Kawase, la jeune femme partait à la recherche de son père qu’elle n’a jamais connu.
Katatsumori, deux ans plus tard, montrait la vie quotidienne de Uno. Dans le silence du monde (KyaKaRaBaA, 2001) était un travail de deuil entrepris par Naomi Kawase après la mort du père qu’elle n’avait jamais connu.
Dans Naissance et Maternité réalisé au moment de la naissance de son fils qu’elle met au monde de manière traditionnelle sans intervention médicale (son accouchement est dans le film), Naomi Kawase s’interroge sur la famille et le cycle de la vie. Elle s’entretient avec Uno alors âgée de 90 ans, révélant leurs disputes, les reproches qu’elle lui fait pour son enfance solitaire, puis leur réconciliation avant la mort de la vieille femme, qu’elle a toujours appelée « grand-mère » à cause de son âge.

Chiri

Chiri

Nous vous invitons à découvrir ce cycle de films à la Cinémathèque française, après son passage remarqué au Festival del film Locarno où Naomi Kawase a délivré une très belle leçon de cinéma modérée par Jean-Michel Frodon. Tournés en 16mm puis en vidéo, ils possèdent la particularité d’être d’une rare pudeur, jamais voyeuristes ou exhibitionnistes comme la plupart des pénibles journaux filmés.

L’hommage à la Cinémathèque coïncide avec la sortie française de Genpin (2010) le 7 novembre, distribué par Baba Yaga, sur une maternité au cœur de la forêt près d’Okazaki. Des femmes viennent là de tout le Japon car un vieux docteur y pratique un accompagnement naturel à l’accouchement depuis des décennies. Encore un film sur les origines de la vie et la coexistence de différentes générations, le conflit entre le Japon moderne et traditionnel, avec le rêve d’une communauté utopique et féminine.

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