Olivier Père

Like Someone in Love de Abbas Kiarostami

Like Someone in Love (2012)

Like Someone in Love (2012)

Présenté en sélection officielle au Festival de Cannes, le nouveau film d’Abbas Kiarostami n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Sa redécouverte à tête reposée (le film est sorti dans les salles françaises mercredi dernier, distribué par MK2 qui l’a également produit) permettra d’apprécier la beauté d’une œuvre qui séduit par la maîtrise épurée de sa mise en scène et la subtilité de son discours sur le sentiment amoureux (à moins que ce soit le rapport homme/femme), décliné en une série de situations et vécu par un petit nombre de protagonistes d’âge et de sexe différents.

Le film contient des moments magnifiques où la mise en scène épouse un sentiment ou une émotion, comme lorsque la jeune fille demande au chauffeur de taxi de tourner plusieurs fois autour de la place où sa grand-mère l’attend, pour pouvoir la voir et fuir en même temps le rendez-vous avec la vieille dame aimante qui vient exprès de sa lointaine campagne pour passer quelques heures avec elle.

Cette scène explicite l’état de confusion de la jeune femme, partagée entre la honte (elle se prostitue) et la jouissance que lui procure cette double identité et cette vie secrète, et le pouvoir sur les hommes qu’elle peut en tirer.

Kiarostami décline ainsi la question de la dépendance et de la domination amoureuse avec l’entrée en scène du fiancé jaloux ou, plus curieusement, de la voisine qui confesse une attirance refoulée pour le vieux professeur.

Quant au personnage du professeur, détenteur d’une sagesse toute relative qui est celle de l’âge, il est le cœur opaque du film autour duquel tout gravite, figure de l’intellectuel aux mains coupées (on apprend qu’il a écrit sur la violence) impuissant à contrôler l’irruption de la passion et ses conséquences tragiques dans une vie trop réglée.

Lorsque l’épure se marie avec une profondeur vertigineuse, le moins avec le plein, on arrive à un cinéma qui est l’exact contraire de la production dominante, commerciale ou pas, à la fois lourde et creuse. Kiarostami se ressource en allant tourner au Japon, paysage exotique qui ne fait que renforcer l’universalité de son propos. Le cinéaste abandonne ses dispositifs qui avaient fini par fonctionner à vide, délaisse la tentation de l’installation audiovisuelle et trop conceptuelle et se rapproche du cinéma pour scruter les émotions, peintre doublé d’un moraliste.

Nous avons revu Like Someone In Love avec beaucoup de plaisir lors d’une avant première la semaine dernière, dans la nouvelle salle MK2 située dans le Grand Palais. Sans doute que deux visions seulement ne parviennent pas à épuiser la richesse secrète du film. Lors d’une brève présentation, le producteur Marin Karmitz a salué Kiarostami comme l’un des derniers cinéastes véritablement modernes, l’un des rares grands auteurs dont le travail restait réfractaire à l’académisme. On ne peut que lui donner raison, et cette réflexion est particulièrement vraie à propos de Like Someone in Love, qui multiplie les signes de reconnaissance (longues discussions en voitures, références picturales, gestion magistrale de l’espace) pour mieux brouiller les pistes, adopte un style et un propos en apparence limpides pour nous perdre dans des trésors de complexité, à l’image de l’être humain et de ses désordres amoureux.

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