Olivier Père

Robert Fuest (1927-2012)

On l’a appris par hasard en feuilletant l’excellente revue de cinéma fantastique « Mad Movies » : Robert Fuest est mort le 21 mars 2012, à l’âge de 84 ans. Cinéaste, scénariste et décorateur anglais, Fuest est surtout connu pour avoir réalisé un petit classique du cinéma fantastique avec Vincent Price (entouré d’une distribution formidable : Joseph Cotten, Terry-Thomas, Hugh Griffith), L’Abominable Docteur Phibes en 1971.

Dans ce film, mixture d’horreur Art Déco à la sauce AIP, un patron de cabaret transformé en momie indestructible se vengeait des chirurgiens responsables de la mort de sa femme adorée lors de meurtres bizarres et sadiques inspirés des sept plaies d’Egypte. L’Abominable Docteur Phibes  est l’un des premiers exemples de films d’horreur humoristique, qui joue beaucoup sur les clins d’œil macabre et les effets parodiques. Le succès du film engendrera une suite toujours réalisée par Fuest, Le Retour de l’abominable docteur Phibes en 1972, sympathique mais inférieure à l’original, et un excellent remake plagiat Théâtre de sang de Douglas Hickox qui reprend toujours avec Price le même principe dans le monde du théâtre : un cabot déchu et laissé pour mort se venge des critiques qui l’avaient assassiné – au sens propre et figuré – en s’inspirant des morts violentes dans les pièces de Shakespeare.

Mais Robert Fuest n’était pas tout à fait l’homme d’un seul film, malgré une filmographie courte et inégale. Robert Fuest débuta comme décorateur, ce qui ne surprendra pas si l’on considère la qualité exceptionnelle (pour un film de ce genre et de ce budget) de la direction artistique de L’Abominable Docteur Phibes, qui contient des décors hallucinants, notamment le repaire de Phibes, mélange d’esthétique années 20 et de psychédélisme. On se souvient aussi de la crypte qui accueille la dépouille de la défunte épouse de Phibes ou l’orchestre d’automates qui accompagne ce macabre récit de vengeance et d’amour fou, sur le modèle du fantôme de l’opéra et de L’Homme au masque de cire (déjà avec Vincent Price). En 1970 Fuest réalise son premier film important, une nouvelle adaptation romantique des Hauts de Hurlevent avec Timothy Dalton (pas vu). La même année, dans un style beaucoup plus réaliste, Fuest se fait remarquer avec un thriller qui a l’originalité de rompre avec les ambiances gothiques ou victoriennes du genre pour se situer dans la campagne française, avec l’histoire angoissante de deux jeunes touristes britanniques persécutées par un psychopathe. Ecrit par Brian Clemens (scénariste de la série « Chapeau melon et bottes de cuir » dont Fuest réalisa plusieurs épisodes), And Soon the Darkness (inédit en France) sans être un grand film compte parmi les réussites du genre. Après le succès des deux Phibes, Fuest signe un film de science-fiction très excentrique qui hélas souligne aussi les limites du cinéaste : Les Décimales du futur (The Final Programme, 1973) mêlent psychédélisme, pastiche kubrickien et humour anglais, mais le résultat est un bide artistique et critique qui ralentit la carrière de Robert Fuest. Avec la meilleure volonté du monde je n’ai jamais réussi à le voir en entier, comme certains films de Ken Russell. Cette déception entraîne Fuest à s’exiler aux Etats-Unis pour un film beaucoup plus classique, mais aussi plus réussi (celui-là je l’ai même vu plusieurs fois.) La Pluie du diable (The Devil’s Rain, 1975) est un bon film d’horreur à l’ancienne qui s’appuie sur une distribution de vieilles gloires du cinéma hollywoodien : Ida Lupino, Eddie Albert, Keenan Wynn, Ernest Borgnine mais aussi William Shatner (Star Trek, L’Horrible Invasion). Aucune minute de répit dans ce film angoissant sur une secte satanique qui accumule les incidents étranges et les scènes horrifiques, jusqu’à son final paroxystique où la fameuse pluie du diable fait fondre la quasi totalité de la distribution, à grand renfort d’effets spéciaux réussis. Mais le film doit essentiellement sa notoriété à la présence anecdotique de John Travolta, la future star de Terre champ de bataille, dans une de ses premières apparitions à l’écran, parmi les membres de la secte satanique. Silencieux, discret (il affectionne les fonds de décors et les seconds plans), dissimulé sous une ample robe de bure à capuche rouge, il devra attendre les dix dernières minutes pour fondre comme tout le monde, dans d’horribles souffrances. Après les sorties de La Fièvre du samedi soir et de Grease, La Pluie du diable connaîtra une seconde exploitation commerciale avec une légère modification de son matériel publicitaire, le nom de John Travolta apparaissant en gros sur l’affiche !

Après cette série B déjà démodée au moment de sa sortie Fuest sombre dans l’anonymat des téléfilms et autres commandes télévisuelles, dont il ne sortira brièvement qu’en 1982 pour un dernier film de cinéma, une médiocre production européenne érotique vaguement adaptée de Pierre Louÿs (Aphrodite) avec la débutante nymphette Valérie Kaprisky et le vieillissant Horst Buccholz dans une ambiance rétro (une fixette du réalisateur) et des beaux paysages d’îles grecques. Cet ultime effort cinématographique ne sera guère récompensé. Triste.

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