Olivier Père

La Ville abandonnée de William A. Wellman

 

Richard Widmark dans La Ville abandonnée (1949)

Richard Widmark dans La Ville abandonnée (1949)

Héros de l’aviation (il fit partie de la fameuse escadrille La Fayette durant la Première Guerre mondiale, auquel il consacrera son dernier film en 1958, avec le jeune Clint Eastwood dans un petit rôle), William A. Wellman (1896-1975) était un rebelle à Hollywood, ne cachant pas son mépris pour les producteurs, les directeurs de studios et les vedettes trop capricieuses. Personnage haut en couleur, grande gueule colérique et casse coup, Wellman fit une entrée remarquée dans La Mecque du cinéma en atterrissant avec son coucou dans la propriété de Douglas Fairbanks. Son premier grand film, Les Ailes en 1927, fresque sur l’aviation aux combats aériens impressionnants, accomplis sans trucages, sera aussi le premier à remporter l’Oscar. Wellman est connu pour plusieurs titres mythiques du film noir (L’Ennemi public avec James Cagney), du western (L’Etrange incident avec Henry Fonda, Dana Andrews et Anthony Quinn, sur le lynchage), du mélodrame (la première version d’Une étoile est née) ou du film d’aventures (L’Appel de la forêt d’après Jack London, avec Clark Gable, ou Beau Geste avec Gary Cooper). Dénué de tout sentimentalisme, le cinéma de Wellman n’est pas seulement machiste car il savait et il aimait aussi diriger les actrices. Ses films font souvent preuve d’une grande franchise sexuelle dans la description des rapports entre hommes et femmes (dans les limites de la censure hollywoodienne bien sûr) et il y avait dans Convoi de femmes, western atypique avec Robert Taylor, de grands moments d’érotisme sadique et délirant ! Wellman est également l’auteur de ce qui demeure sans doute le meilleur film, le plus honnête et le plus réaliste sur la Grande Dépression, Les Mendiants de la vie en 1928, au début du parlant. Wellman a également réalisé d’excellents films de guerre et de l’avis général – y compris du sien – son chef-d’œuvre est Les Forçats de la gloire (The Story of G.I. Joe, 1945) évocation de la longue marche de l’infanterie américaine en Afrique du Nord puis en Sicile jusqu’aux portes de Rome, à travers le regard du journaliste de guerre Ernie Pye (mort à Iwo Jima avant d’avoir vu le film terminé), qui couvrit le conflit aux côtés des soldats, dans des conditions souvent terribles, bien retranscrites malgré un tournage à Hollywood. Dans un style presque documentaire, loin de tout lyrisme, Les Forçats de la gloire impressionne par sa mise en scène, son émotion et sa douleur contenues (Wellman n’a jamais filmé la violence avec complaisance, au contraire) et la qualité de son interprétation (Burgess Meredith et Robert Mitchum, dans son premier grand rôle, y sont remarquables). Ce classique admirable, salué par Samuel Fuller comme « le seul film adulte et authentique produit par Hollywood durant la Seconde Guerre mondiale » sera bientôt disponible en DVD chez Wild Side dans la collection « Classics confidential » en copie restaurée et accompagné d’un livret de Michael Henry Wilson.

Dans les années 50, Wellman devient l’un des réalisateurs préférés de John Wayne qui l’embauche pour plusieurs de ses productions, et en particulier Ecrit dans le ciel (1954), précurseur des films catastrophes aériens.

La Ville abandonnée (1949) est l’un des meilleurs films de William A. Wellman, réalisateur dont il faut louer la sobriété, la rigueur et le sens de l’action.

Gregory Peck dans La Ville abandonnée (1949)

Gregory Peck dans La Ville abandonnée (1949)

Véritable film noir transposé dans une bourgade fantôme perdue dans la Vallée de la Mort, La Ville abandonnée bénéficie d’un sublime noir et blanc crépusculaire (signée Joseph MacDonald) qui magnifie la photogénie du désert. Film au dépouillement tragique, La Ville abandonnée propose une réflexion morale sur l’avidité et le lucre. Gregory Peck, toujours aussi beau, y affronte son ancien complice Richard Widmark, parfait comme d’habitude en crapule vicieuse, sous le regard amoureux d’Anne Baxter.

La Ville abandonnée fut présenté au Festival del film Locarno en 1949 où il obtint le prix de la mise en scène. Ce titre important du western ressort le mercredi 11 janvier sur les écrans français grâce au distributeur Action / Théâtre du Temple.

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