La nouvelle est passée totalement inaperçue (je l’ai appris par hasard sur le blog de Tim Lucas, un journaliste spécialisé) mais Jimmy Sangster est décédé le 19 août à l’âge de 83 ans, à Londres.
Le premier scénario de Jimmy Sangster porté à l’écran est X the Unknown, production Hammer de science-fiction réalisée en 1956 par Leslie Norman (et à laquelle Joseph Losey aurait brièvement collaboré selon certaines sources : Sangster travaillera quelques années plus tard sur le scénario des Criminels, sans être crédité).
Dès les fulgurants débuts de sa carrière, Jimmy Sangster est associé au fameux studio anglais et à Terence Fisher. Frankenstein s’est échappé (1957) et Le Cauchemar de Dracula (1958) constituent deux dates essentielles dans l’histoire du cinéma fantastique et aussi de la production britannique, même si leur statut de films d’horreur de série B leur a longtemps interdit les lauriers de la reconnaissance critique et historique. Aujourd’hui, la réputation de ces films n’est plus à faire. Hissés au rang de classiques par des admirateurs de plus en plus nombreux, ils sont devenus une référence incontournable pour plusieurs générations de cinéastes et de cinéphiles. En proposant de nouvelles illustrations cinématographiques des principales figures mythiques du genre, les studios Hammer vont donner naissance à un second âge d’or du cinéma fantastique, après celui des années 30 à Hollywood, autour des studios Universal, du producteur Carl Laemmle et du réalisateur James Whale. Dracula, Frankenstein, mais aussi la Momie, le Loup-garou, Jekyll et Hyde, Jack L’éventreur ont ainsi connu un coup de jeune, remis au goût du jour grâce à la couleur et une dose supplémentaire de violence et d’érotisme, avec souvent une touche d’humour noir ou de mauvais goût typiquement britanniques. Sangster fut le principal artisan de ce renouveau. Le Cauchemar de Dracula est la première apparition en couleur du célèbre personnage créé par Bram Stoker. Cette singularité historique dépasse l’anecdote puisqu’elle est au cœur même du projet du film. En effet, Fisher aidé par son scénariste Sangster entendent filmer pour la première fois le vampire dans sa dimension sanglante et horrifique. Le générique, montrant du sang maculant un cercueil dans une crypte annonce, si l’on peut dire, la couleur. Frankenstein s’est échappé est encore plus réussi et original. Le personnage blasphématoire du baron (l’excellent Peter Cushing) a visiblement fasciné et effrayé Jimmy Sangster qui déplace l’attention du spectateur du monstre vers son créateur, présenté comme un personnage antipathique et amoral. Cette vision est transcendé par le talent de Terence Fisher, cinéaste puritain qui va se passionner également pour le sinistre baron, de plus en plus sadique au fil de ses aventures macabres, et des cinq films qu’il consacrera au héros de Mary Shelley. Jimmy Sangster n’écrira que les deux premiers Frankenstein pour Fisher (Frankenstein s’est échappé et La Revanche de Frankenstein l’année suivante) mais continuera de travailler avec le meilleur cinéaste de la Hammer sur La Malédiction de la momie, Les Fiancées de Dracula et Dracula prince des ténèbres. Parallèlement à cette collaboration exceptionnelle, il mettra son talent et son imagination au service d’autres cinéastes, et parfois d’autres studios que la Hammer, en apportant un second souffle au personnage de Jack l’éventreur dans l’excellente version de Monty Berman et Robert S. Baker en 1959 et en écrivant avec beaucoup de fantaisie des films de pirates et d’aventures historiques mais surtout des thrillers horrifiques et macabres dont il devient un spécialiste dans les années 60, tentant de profiter du succès de Psychose et des Diaboliques (Taste of Fear, Maniac, Paranoiac, Nightmare, Hysteria, The Nanny, The Anniversary, Crescendo, souvent mis en scène par Seth Holt, Roy Ward Baker ou Freddie Francis.)
Lorsque la mode du fantastique anglais s’essouffle, Sangster s’adapte à la demande. On retrouve le scénariste au générique de l’amusant film d’espionnage Plus féroces que les mâles de Ralph Thomas en 1967, avant qu’il ne se consacre presque exclusivement à des travaux alimentaires pour la télévision anglaise et américaine, à l’exception notable en 1978 de Psychose Phase 3, excellent film fantastique anglo-américain de Richard Marquand, mélange de « murder mystery » très britannique et d’histoire de sorcières dont certaines séquences semblaient directement inspirées par le Suspiria de Dario Argento. Jimmy Sangster avait réalisé trois films, Les Horreurs de Frankenstein (1970, nouvel épisode des aventures du baron mais sans Peter Cushing et avec des éléments de violence parodique et un mauvais goût plus ou moins assumé), Lust of a Vampire (1971, avec plus d’érotisme que chez Terence Fisher) et Sueur froide dans la nuit (1972, film de machination avec Cushing, Joan Collins et Judy Geeson). Ces trois films, sympathiques mais représentatifs de la décadence de la Hammer dans les années 70, ne connurent aucun succès critique et public et condamnèrent les efforts de Sangster réalisateur.
Pour ne pas quitter la rubrique nécrologique nous apprenons également le décès de Cliff Robertson à l’âge de 88 ans. Cet excellent acteur américain à la longue carrière avait travaillé avec quatre de mes réalisateurs préférés dans des films magnifiques, Feuilles d’automne de Robert Aldrich (1956), Les Nus et les Morts de Raoul Walsh (1958), Les Bas-fonds new-yorkais de Samuel Fuller (1961) et Obsession de Brian De Palma (1976).
Le scénariste avait eu l’idée d’un film montrant des créatures vivant dans le Soleil, Goldenfish Bowl in the Sun, hélas on ne trouve aucun détail sur les créatures qu’il a pu envisager – je me demande si le scénario est conservé quelque part, j’ai écrit à la Hammer sans avoir de réponse.