Olivier Père

Apocalypse Now de Francis Ford Coppola

Le premier Blu-ray que j’ai acheté est l’édition française (Pathé) d’Apocalypse Now qui contient les deux versions du film (celle de 79 et la Redux de 2001) ainsi que l’extraordinaire documentaire Au cœur des ténèbres (Hearts of Darkness : A Filmmaker’s Apocalypse) réalisé par Eleanor Coppola (la femme du cinéaste), Fax Bahr et George Hickenlooper et sorti en 1991, qui retrace la genèse et l’élaboration démentielles de ce film hors-norme, grâce au journal filmé tenu par Eleanor tout au long de l’interminable tournage aux Philippines.

Dennis Hopper et Martin Sheen dans Apocalypse Now Redux (2001)

Dennis Hopper et Martin Sheen dans Apocalypse Now Redux (2001)


Une nouvelle vision d’Apocalypse Now Redux permet de revenir sur cette version définitive (soit environ 195 minutes au lieu des 146 minutes initiales) du chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola. Montré dans une copie de travail au Festival de Cannes en 1979, le film, fruit d’un an de tournage éprouvant et de deux ans de montage, obtient la Palme d’Or, et un gros succès mondial qui permit de faire oublier les dépassements de budget. Vingt-deux ans plus tard, Coppola a décidé de réintégrer le métrage qu’il avait du supprimer de la version initiale, afin de livrer un film d’une longueur plus acceptable pour le public. Car l’échec financier d’Apocalypse Now, dans lequel il avait investi sa fortune personnelle, eût été pour lui un désastre. Parmi les scènes coupées, la plus mythique concerne évidemment l’arrivée de Martin Sheen et de ses hommes dans une plantation française, vestige oublié de la colonie indochinoise, dans laquelle un patriarche, entouré de sa famille et de quelques soldats, refuse de quitter son domaine et « son » pays. Cet épisode « européen » aux accents viscontiens rompt délibérément avec l’ensemble du film (plutôt wellesien), par les thèmes abordés (la comparaison des deux conflits vietnamiens) et l’apparition d’une jeune femme interprétée par Aurore Clément, avec laquelle Willard fumera de l’opium. L’esthétique de la séquence lui confère une dimension presque surnaturelle, puisque les colons français y sont clairement présentés comme des fantômes ou des morts en sursis oubliés par le temps et l’histoire, bloqués dans les années 50. Parmi les bonus, on retiendra les deux conférences de presse à Cannes. En 1979 Coppola, accompagné de ses enfants (Roman et Sofia, futurs cinéastes), prophétise le cinéma numérique. En 2001, entouré de ses fidèles collaborateurs dont le décorateur Dean Tavoularis et le directeur de la photographie Vittorio Storaro,  il espère encore tourner des films à la hauteur de ses rêves, malgré la situation actuelle de la production américaine sacrifiée au bénéfice immédiat. Il y parviendra en 2007, après une éclipse de près de 10 ans, grâce à sa fortune personnelle, avec deux films autoproduits tournés en numérique et en équipe réduite en Roumanie et en Argentine : L’Homme sans âge, curieuse médiation philosophique d’après Mircéa Eliade interprétée par Tim Roth, suivi de Tetro deux ans plus tard, son film le plus autobiographique, véritable œuvre de jeunesse signée au crépuscule de sa carrière, avec un magnifique Vincent Gallo. Une utopie de cinéma devenue réalité, par un des seuls véritables visionnaires du cinéma américain. Cet été au Festival del film Locarno, l’hommage rendu à Mike Medavoy permettra d’évoquer l’odyssée d’Apocalypse Now (qui sera projeté sur grand écran dans sa version Redux). Medavoy dirigeait en effet United Artists lorsque Coppola lui demanda de coproduire le film avec lui et sa nouvelle compagnie Zootrope. United Artists dut gérer les terribles dépassements de budget, les nombreux accidents et retards qui émaillèrent le tournage, un typhon, la crise cardiaque de Martin Sheen, les caprices de Marlon Brando débarquant aux Philippines obèse et sans avoir préparé son rôle, Coppola tournant des kilomètres de pellicule sans trouver la fin du scénario, pour finalement aider le cinéaste à accoucher, dans la douleur, d’un monument de l’histoire du cinéma qui faillit se transformer à plusieurs reprises en cauchemar et en désastre absolu.

Aurore Clément dans Apocalypse Now Redux (2001)

Aurore Clément dans Apocalypse Now Redux (2001)


 

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