Olivier Père

Orange mécanique de Stanley Kubrick

Décidément c’est l’année Kubrick. Tandis que la rétrospective et l’exposition consacrées au cinéaste américain remportent un très grand succès à la Cinémathèque française, Le Festival de Cannes montrera jeudi 19 mai dans la section « Cannes Classics » une version restaurée par la Warner de Orange mécanique de Stanley Kubrick, un des films les plus fameux de l’histoire du cinéma qui fête son quarantième anniversaire. Le lendemain, l’acteur britannique Malcom McDowell, éternellement lié à son interprétation inoubliable d’Alex dans le film de Kubrick donnera une leçon de cinéma pendant le Festival. Après la sortie de 2001 : l’odyssée de l’espace, et l’échec de son gigantesque projet sur Napoléon, Kubrick préfère enchaîner avec un “petit film” en partie improvisé et tourné à Londres dont le retentissement sera pourtant énorme en raison de son sujet : l’ultra-violence. Le contexte futuriste du film en fera le troisième volet d’une trilogie de science-fiction, après Docteur Folamour et 2001 : l’odyssée de l’espace, imposant Kubrick comme un des plus grands visionnaires du cinéma moderne. Et aussi comme un moraliste ironique. En 1971 Orange mécanique, d’après un roman d’Anthony Burgess, participe à l’intrusion du sexe et de la violence, longtemps confinés dans le ghetto du cinéma d’exploitation, dans les films des grands studios. Aujourd’hui le film impressionne encore par son intelligence sarcastique, sa direction artistique et son incroyable univers visuel et sonore, mais sa violence est trop stylisée et théâtrale pour vraiment choquer. Au début des années 70, le cinéaste s’est trouvé en phase avec son époque, les attentes et les préoccupations du public. Orange mécanique, œuvre profondément originale a marqué comme aucun autre film plusieurs générations de spectateurs, et inventé un univers futuriste cauchemardesque, comme le reflet déformé de notre société. Le film, sur le mode d’une fable distanciée, conte les mésaventures d’un jeune délinquant sadique et amoral, Alex, qui devient après son arrestation le cobaye d’un traitement qui le rend allergique à toute forme de violence. Désormais incapable de se défendre, il deviendra la proie de ses anciens complices et victimes. On retrouve dans Orange mécanique le goût de Kubrick pour la satire, son obsession pour les structures d’enfermement et de répression, les mécaniques déréglées. Kubrick exacerbe de manière grotesque la propension des comédiens anglais au cabotinage le plus outrancier. Il exagère le recours aux masques et à une interprétation antinaturaliste et grimaçante, en phase avec des accoutrements et des décors qui semblent caricaturer les modes et les tendances du moment. Le film fut à sa sortie l’objet de longues polémiques, accusé, comme plus tard Tueurs-nés d’Oliver Stone d’avoir inspiré à des voyous influençables des actes de violence. Objet de pressions et de menaces de mort, le cinéaste décidera lui-même de retirer le film des écrans anglais en 1973. Le film restera totalement invisible en Grande-Bretagne jusqu’en 2000, soit un an après la mort de Stanley Kubrick.

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