A la Film Society of Lincoln Center encore, en collaboration avec le MoMA, du 23 mars au 4 avril, se tiendra la quarantième édition du fameux festival New Directors/New Films orchestrée par Richard Peña. Ce festival dédié aux nouveaux auteurs du monde entier permet au public new yorkais de voir une sorte de best of de la saison cinématographique, avec le meilleur de la jeune création contemporaine découvert dans les grands festivals internationaux, de Cannes à Sundance en passant par Venise. Sur les 24 longs métrages présentés cinq étaient issus des différentes sections du Festival del film Locarno, et cela nous fait très plaisir. New Directors/New Films est une étape importante dans la carrière d’un film, et garantit à son jeune auteur une reconnaissance auprès de la presse et du public américains. Bravo donc à Winter Vacation (photo en tête de texte) la drôle de comédie chinoise de Li Hongqi, Léopard d’or 2010, à Curling du québécois Denis Côté, prix de la mise en scène et de la meilleure interprétation masculine pour Daniel Bilodeau, à Periferic, premier film du roumain Bogdan George Apetri, à Memory Lane, premier long métrage du très talentueux cinéaste français Mikhaël Hers et enfin à Im Alter von Ellen de Pia Marais. Memory Lane a été distribué à l’automne 2010 par Ad Vitam, Winter Vacation vient de sortir en France, distribué par Capricci, les autres devraient sortir dans l’année. Cet événement new yorkais nous offre l’occasion de revenir sur le beau film de Pia Marais, reparti bredouille de la compétition internationale de Locarno.
Le cinéma moderne est un art du portrait. Rossellini avec Europa 51, Antonioni avec L’avventura et Le Désert rouge, ont montré la voie d’un cinéma de l’introspection et de l’étude psychologique, d’un désir de fiction intimement lié à l’idée de crise et de fuite. Im Alter von Ellen est seulement le deuxième long métrage de Pia Marais, jeune cinéaste allemande, mais c’est un film si accompli, si maîtrisé qu’il s’impose d’emblée comme un des titres les plus importants de cette décennie naissante. Le cinéma est aussi affaire de rencontres. Nul doute que celle qui s’opère devant nos yeux, entre une réalisatrice qui sait ce qu’elle désire et une actrice au sommet de son art (je veux parler de la grande actrice française Jeanne Balibar, géniale dans son premier rôle en allemand), comptera bientôt parmi les plus essentielles du cinéma contemporain.
Jeanne Balibar interprète Ellen, une hôtesse de l’air. Sa profession la conduit à être en perpétuel mouvement, mais c’est une voyageuse immobile, aliénée par une vie décevante et sans surprise. Lasse de son existence et de son insatisfaction sentimentale, elle décide de tout plaquer et d’emprunter des chemins de traverse, au hasard des rencontres et des péripéties. Le récit emprunte alors un mode aléatoire, sans jamais perdre de vue ce qui fait un grand film : la beauté de celle qui regarde (Pia Marais) et celle qui est observée (Jeanne Balibar). Inutile de dire qu’elle sont toutes les deux au sommet de leur art. C’est suffisamment rare pour être applaudi, et pour que l’on puisse affirmer, dans un film qui ose les ruptures de tons et les accidents de parcours : tout est grâce.
N’oublions d’autres films projetés dans le cadre de New Directors/New Films et qui comptent parmi les plus belles révélations ou surprises de l’année dernière : la comédie Copacabana de Marc Fitoussi avec une Isabelle Huppert géniale, donnant la réplique à la non moins formidable Lolita Chammah, sa fille à la ville comme à l’écran (Lolita Chammah joue aussi dans Memory Lane) ; Belle Epine de Rebecca Zlotowski avec Léa Seydoux, Attenberg d’Athina Rachel Tsangari (Grèce), Verano de Goliath de Nicolas Pereda (Mexique). Isabelle Huppert, Jeanne Balibar, Lolita Chammah, Léa Seydoux… Je soupçonne Richard Peña d’avoir un faible pour les actrices françaises belles et talentueuses…
Im Alter von Ellen de Pia Marais.
© Festival del film Locarno 2010
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