The Girl from Ipanema

Le mythe veut que cette polyglotte soit devenue le visage de la bossa-nova par hasard. La vérité, racontée dans ce documentaire, est plus nuancée. Jeune fille timide, férue de jazz, Astrud Gilberto grandit à Rio de Janeiro, dans un Brésil pauvre mais en plein essor. Elle épouse à 19 ans un garçon aussi mal à l’aise en société qu’elle, le guitariste João Gilberto, qui a la particularité, au milieu de Cariocas hédonistes obnubilés par les joies balnéaires, d’être réfractaire au soleil. Avec ses comparses Vinícius de Moraes et Tom Jobim, ce génie musical s’apprête néanmoins à révolutionner la bossa-nova. Pendant ce temps, dans l’ombre, Astrud peaufine sa technique vocale, sous la houlette de son mari, adepte d’un timbre sans vibrato, d’une douceur exquise, qu’elle va vite faire sien. 

Moment de bascule
Lorsque Astrud Gilberto enregistre “The Girl from Ipanema”, elle ne débute donc pas en chant. Elle a même fait entendre son phrasé évanescent lors du tout premier concert de bossa-nova, organisé par des étudiants à la faculté d’architecture, au début des années 1960. Ce qui est vrai en revanche, c’est que, contrairement à son mari João Gilberto, qui ne parle que le portugais, elle peut interpréter la chanson en anglais. La session se déroule à New York, en 1963, lors de l’enregistrement plutôt tendu de l’album réunissant Stan Getz et João Gilberto. Le morceau devient un tube planétaire, et fait d’Astrud une star, célébrité fulgurante qui scellera à la fois sa rupture avec João et le Brésil. Le pays l’oubliera mais elle en deviendra paradoxalement l’ambassadrice au fil d’une riche carrière internationale. Par la voix de témoins mythiques (les artistes Marcos Valle, Roberto Menescal, Bebel Gilberto, la fille de João…), ce portrait s’attarde sur ce moment de bascule, d’émancipation dans la vie d’une femme, et fait revivre des années 1960 effervescentes, au cours desquelles la jeunesse brésilienne inventa un nouvel art de vivre.