"Salvator Mundi" ou la folle ascension d’un tableau

En 2005, le chasseur de tableaux Alexander Parish et le marchand de maîtres anciens Robert Simon acquièrent pour 1 175 dollars un Christ rédempteur "d’après Léonard de Vinci", qu’ils confient aux soins d’une restauratrice réputée, Dianne Modestini. Authentifiée, malgré les dissensions entre experts internationaux, comme étant de la main du maître de la Renaissance par la National Gallery de Londres, l’huile sur bois est revendue en 2013 à Dmitri Rybolovlev pour 127,5 millions de dollars. Quatre ans plus tard, le milliardaire russe choisit de s’en séparer après avoir découvert dans la presse le montant de la marge (47,5 millions) alors réalisée par son intermédiaire, l’homme d’affaires suisse Yves Bouvier, spécialisé dans les ports francs, qu’il attaque en justice. Mais alors que Rybolovlev s’attend à vendre à perte, la campagne de marketing orchestrée par Christie’s transforme le Salvator Mundi en phénomène culturel planétaire. Le tableau est acquis pour la somme exorbitante de 450 millions de dollars par un acheteur qui ne reste que brièvement anonyme. Désormais entre les mains du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, l’œuvre devient un enjeu géopolitique : au cœur de tractations entre la France et le royaume wahhabite, elle restera finalement invisible lors de l’exposition événement que le Louvre a consacrée à Léonard de Vinci en 2019.

Passion et spéculation
Comment un tableau aux origines litigieuses a-t-il pu connaître une telle ascension ? Découpée en trois parties et sortie en salles en France, cette palpitante enquête du Danois Andreas Koefoed interroge acteurs et observateurs de premier plan pour retracer les étapes successives de cette rocambolesque affaire, qui mêle amour de l’art, opacité des milieux d’affaires et jeux de pouvoir.