L'envol

Dans une ferme du nord de la France, Juliette, orpheline de mère, est élevée par son père, Raphaël, un ébéniste aux mains d’or revenu estropié de la Grande Guerre. Homme bourru au grand cœur, il ne vit que pour sa fille, pour laquelle il répare un vieux piano oublié dans une grange. Rêveuse, Juliette, elle, aime lire et chanter, courir les bois ou se baigner dans la rivière sous le regard d’une sorcière, qui lui prédit la venue d’un homme avec des voiles écarlates. Habitée par l’espérance de ce prince charmant, la jeune fille, qui se tient à l’écart de la communauté villageoise, s’attire son hostilité. Un jour, un aviateur atterrit près du village, comme tombé du ciel.

Ode à la beauté
Après son splendide Martin Eden, le cinéaste napolitain Pietro Marcello met en scène le récit, serti d’images d’archives, d’une transmission pleine de tendresse entre un père et sa fille reclus, dans un conte naturaliste librement inspiré des Voiles écarlates de l’auteur russe Alexandre Grine. Ode à la beauté des sentiments et de la nature, son film, le premier en français, compose une fresque sociale miniature au motif simple et aux silences tranquilles, qui oscille entre féerie et réalisme magique. Le réalisateur y entrelace les gestes précis de l’artisan créateur de jouets en bois, qui aident cet homme dévasté à se reconstruire (l’excellent Raphaël Thiéry, taillé à la serpe pour le rôle), la force de l’amour et les frémissements d’une campagne en éveil, à la manière des tableaux de Renoir. Dans les pas de la sauvageonne Juliette à l’intense sensibilité, qui grandit en s’abandonnant à ses seules sensations, la caméra suit son émancipation, à l'abri des convenances et de la cruauté du monde. Mue par son rêve qui relève du fantasme, sans en rester la victime, la jeune fille absolue, confiante en son instinct, s’invente un destin. Empreint de poésie et porté par les chansons douces de l’héroïne – Juliette Jouan, au charme teinté de mystère –, une œuvre d’un puissant onirisme.